DEUXIéME PARTIE
Plus de
TROIS MILLIONS DE
RƒSIStants NON-VIOLENTS
"Des
artisans de la civilisation,
qui
s'ignorent".
La tte au-dessus des nuagesÉ
Q |
ue demande la vie au ch™meur, avant tout ?
De s'assurer une bonne santŽ physique, en veillant ˆ faire le
nŽcessaire en ce sens ; en obtenant les moyens financiers indispensables. De
conserver une bonne santŽ morale, en rŽsistant ˆ la tentation de s'apitoyer sur
lui-mme. De faire les dŽmarches indispensables pour maintenir un flux
tensionnel suffisant ˆ sa prŽsence sur le marchŽ du travail, si telle est sa
capacitŽ du moment. D'Žconomiser son Žnergie, en ne se lanant pas dans une
fŽbrilitŽ dont le simple bon sens lui montre la stŽrilitŽ. Mais la vie ne lui
demande-t-elle que cela ?É
Suivre une formation professionnelle ? S'il le souhaite. Si elle
est vŽritablement utile. Mais est-ce tout ?É
Prier ?É Philosopher ?É Sans doute ; si tel est son tempŽrament.
Mais est-ce assez ?É
Pour ne pas se dŽconnecter de sa recherche d'une activitŽ
rŽmunŽratrice, il pense souvent qu'il faut rester les pieds sur terre. Il a
raison. Mais la vie ne lui demande-t-elle toujours que cela ? Que peut-il faire
de plus ?É Ou que peut-il faire d'abord ?
S'il parvient ˆ dominer un instant ses
peurs, il taira son pŽnible brouhaha mental. Ce sera tout bŽnŽfice pour lui
!
Peut-il alors faire le pari que sa situation soit, d'une
certaine manire, un moment "privilŽgiŽ" dans sa propre existence ?
Ainsi que le
conoivent tous ces ch™meurs qui ont accostŽ sur l'autre rive du fleuve
Ch™mage, sans se noyer
dans l'agitation pathologique, ou le dŽsespoir.
S'il fait ce pari, il se demande en mme
temps : quoi faire d'autre que de consacrer tout son temps, ses jours, ses
soirŽes, ses loisirs, ˆ la recherche d'un travail ?É Pour qu'il puisse faire
autre chose, ne faut-il pas d'abord qu'il rŽflŽchisse ˆ ce que le ch™mage peut
offrir comme opportunitŽ
? Le concernant : il lui est trs difficile d'admettre que le ch™mage est un
moment "privilŽgiŽ". Concernant les autres : a lui est sans doute
relativement moins difficile d'en envisager au moins l'hypothse thŽorique.
Surtout si son intŽrt civique et sa gŽnŽrositŽ naturelle ne sont pas occultŽs
par une angoisse trop vive.
Veut-il faire le pari, qu'en sa qualitŽ
de ch™meur, il PEUT quelque chose pour la sociŽtŽ, et pour lui-mme, qui
dŽpasse tout ce qu'il pensait ?
Nous avons conscience que le ch™meur, dans
son effort pour retrouver un emploi, est peu rŽceptif ˆ tout ce qu'il considre
comme des spŽculations intellectuelles. Cependant, une fois l'essentiel vital
assurŽ bien Žvidemment, veut-il fermer ce livre pendant quinze minutes, et se
poser une question trs simple, dans un petit coin tranquille :
QUEL EST L'ESSENTIEL DANS MA
VIE ?
Si la rŽponse est
: un emploi ! un salaire ! plus d'argent !É qu'il se repose la question.
Et si la rŽponse est encore la mme, qu'il persŽvre jusqu'ˆ ce
qu'il trouve lui-mme des rŽponses encore plus satisfaisantes que : un emploi ! un salaire ! plus
d'argent !É
Les plus sceptiques, voire les plus
matŽrialistes, se rendront compte de leur capacitŽ ˆ imaginer bien des rŽponses
intŽressantes et motivantes, au-delˆ des pensŽes rŽflexes auxquelles ils seraient tentŽs de
s'arrter. Par exemple ils s'apercevront, en mettant en balance le travail, tel
qu'ils l'ont connu autrefois, et l'activitŽ nouvelle ˆ laquelle ils rvent, qu'ils ne sont pas fondŽs sur les mmes
valeurs ni les mmes besoins en terme : d'investissement personnel, de
rŽmunŽration, de tranquillitŽ d'esprit, de responsabilitŽ, etcÉ et que certains
paramtres n'en valent plus la chandelle. Sans aller pour cela jusqu'ˆ la
nŽgation du travail ni rŽgresser
vers un nouveau mouvement hippie.
Cet exercice imaginatif est plus difficile
ˆ conduire lorsqu'on est ch™meur aux abois, que salariŽ en qute de changement,
reconnaissons-le ! Mais il est important que l'individu trouve ses propres
valeurs individuelles, par sa rŽflexion personnelle ; et non celles que les
magazines cherchent ˆ lui vendre.
Avant de comprendre comment le ch™meur
peut agir, une phase prŽliminaire est nŽcessaire. C'est l'objet de cette
deuxime partie. Elle demande un peu d'imagination.
D'abord, il lui faut passer la tte
au-dessus des nuages ! Cela
signifie qu'il doit s'abstraire momentanŽment en pensŽe des combats quotidiens
qui l'environnent. Le sien ; rŽsultant de ses peurs, de son agitation
intellectuelle, comme nous le remarquions plus haut. Mais surtout des querelles
des autres : dans son environnement, dans l'actualitŽ Žconomico-politique et
revendicatrice, etc. qui lui polluent son champ de vision. Facile ?É Pas tant
que cela !É
Ensuite il lui est nŽcessaire de bien
saisir en quoi le ch™meur est un travailleur qui s'ignore. Nous allons donc le dŽtailler prŽcisŽment
tout au long des chapitres qui vont suivre.
Il comprendra peut-tre mieux finalement le sens de sa solitude.
Et l'importance du facteur temps, dans la rŽsolution du ch™mage. Ce qui pourra
lui donner un regain d'espoir, en particulier s'il est de ceux qui pensent
qu'ils sont installŽs dans le ch™mage pour une trs longue pŽriodeÉ
Maintenant, si le lecteur a rŽussi ˆ
passer sa tte au-dessus des nuages, regardons ensemble le travail de ces
trois ˆ cinq millions de rŽsistants non-violents que sont les ch™meurs de
toutes conditions. Nous y joindrons aussi ceux qui ont un emploi prŽcaire. Et
tous les non-ch™meurs qui souffrent du ch™mage. Dans notre rŽflexion, essayons toujours
de maintenir ˆ la conscience le lien difficile et tŽnu qui doit subsister entre
: une envolŽe au-dessus des nuages, et la satisfaction minimum des besoins immŽdiats des ch™meurs. Si
le besoin de reconnaissance peut tre partiellement satisfait par cette analyse, et le
sentiment douloureux liŽ au clivage social soulagŽ, alors ce lien crŽatif se
fortifiera.
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