TROISIéME PARTIE

 

 

 

 

 

 

L'ƒNERGIE

SUIT LA PENSƒE

PLUS SóREMENT QUE L'ARGENT

 

 

 

 

"Tout travail a une Žgale importance".

Principe de la sagesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Changer les mentalitŽs de proche en proche : Des bases stables. — L'Žnergie suit la pensŽe plus sžrement que

l'argent. — Trois aspects de la pensŽe. — Une pensŽe libre. — La foi du charbonnier.

 

 

 

 

 

Changer les mentalitŽs de proche en proche.

 

 

 

 

 

 

P

arvenu ˆ cette Žtape de son parcours, le ch™meur s'interroge. Il sait que ce fleuve tumultueux dans lequel le ch™mage l'a fait tomber, est en grande partie traversŽ. Selon sa certitude d'avoir enfin trouvŽ l'emploi espŽrŽ ; ou sa dŽcouverte d'une autre voie, la vraie pour lui ; ou simplement son attente paisible d'une retraite, avec comme but un renouveau qu'il a dŽjˆ mis en chantierÉ il sait maintenant qu'il est prs d'atteindre l'autre rive du ch™mage. S'Žtant rendu compte du travail que tous les ch™meurs effectuaient un peu malgrŽ eux, ayant vu qu'ils Ïuvraient pour le bien de la Civilisation ˆ venir, il se demande s'il est nŽcessaire de faire autre chose.

Cette troisime partie intŽressera plus celui qui a trouvŽ le calme et la paix intŽrieurs, que celui qui est encore ˆ se battre avec les idŽes militantes ou rŽvoltŽes. L'autre forme d'action envisagŽe ici est toujours en parallle ˆ une recherche d'emploi ou de nouvelle activitŽ. Le lecteur ne doit pas se tromper : il n'est pas question de pr™ner l'inactivitŽ ou les vacances Žternelles. Le voudrait-il d'ailleurs, que la vie ne le lui permettrait pas. Il s'agit d'envisager un autre type d'action pour que la douleur du ch™mage n'existe plus. Nous revenons toujours ˆ ce facteur d'alerte essentiel !

 

Il y a bien des formes d'action. Selon sa place dans la sociŽtŽ, chacun peut agir avec ses moyens : exercer son pouvoir, Žcouter avec compassion, organiser des secours, Žduquer les masses pour la prŽvention, etcÉ Le ch™meur a bien peu de tous ces moyens, pensent certains sceptiques. Ils se trompent ! Puisque dŽjˆ la masse du peuple de ch™meurs produit un travail automatique. Une relecture des axes vus prŽcŽdemment achvera peut-tre d'Žroder ce scepticisme.

Le ch™meur peut aussi agir plus consciemment, par sa pensŽe et sa parole, autour de lui. Il peut changer les mentalitŽs de proche en proche. Nous verrons plus prŽcisŽment dans cette troisime partie comment il le fera encore plus efficacement. Comment les intellections technocratiques peuvent tre apprivoisŽes par une pensŽe plus ŽclairŽe.

 

Un changement d'attitude : cesser de rŽagir, d'abord.

En parlant de ce sujet du ch™mage, le lecteur rencontrera bien des interlocuteurs le pressant de s'engager, de manifester ; ou si les circonstances s'y prtent, de rŽdiger encore un dossier technique, avec encore de nouvelles solutions chiffrŽes : ˆ propos des indemnisations, des nouvelles sources d'emplois, de la formation, etcÉ En un mot, toutes ces bonnes volontŽs voudraient que le ch™mage n'existe plus avant mme qu'il n'ait atteint son but !

Nous pouvons alors nous recentrer en permanence sur une rŽalitŽ, une simple Žvidence : ˆ quoi servent ces multiples mesures pratiques mises en place depuis des annŽes ?

Certaines sont peut-tre indispensables sous certains aspects ; il n'y a pas lieu de critiquer les efforts des pouvoirs publics. Mais le nombre croissant des ch™meurs dans l'ombre est lˆ pour nous rappeler ˆ la raison. Et si le ch™mage est bien ce levier de la Civilisation du Troisime millŽnaire, le temps n'est peut-tre pas encore tout ˆ fait venu, semble-t-il, pour aborder les solutions pratiques pour le vrai plein emploi. Quoi qu'on essaye de nous faire croire par ailleurs. Les causes cachŽes du ch™mage doivent tre traitŽes avant. Les esprits sont encore trop prŽoccupŽs des aspects matŽriels, et pas assez des besoins profondŽment humains, et Žgalement humanistes, des individus. Ils entendent ˆ peine, sans doute encore trop assourdis par leurs propres peurs et fausses certitudes, la vraie demande. NŽanmoins, bien des dossiers ont ŽtŽ soigneusement prŽparŽs par bien des experts. Le travail de tous ces concepteurs n'est certainement pas perdu. Il est en attente, simplement.

Il est utile de revenir ˆ la source de la Sagesse. Elle nous enseigne dans notre cas, ˆ commencer par cesser d'agir, ou plut™t de rŽagir. En refusant toute suggestion d'un mental agitŽ par les passions. Dire non, d'abord ! Puis, ensuite seulement : rŽflŽchir. Tandis que notre civilisation occidentale emprunte le chemin inverse, semŽ d'embžches, d'une rŽflexion dans le feu incessant de l'action, qui lui fait prendre des dŽcisions sans les asseoir suffisamment sur des bases stables.

 

Agir en pensŽe ne consiste pas seulement ˆ faire des propositions d'ordre politique ou administratif, ˆ Žlaborer de nouveaux plans Žconomiques, sociaux, etc. Car il arrive un moment o l'action mentale se confond avec l'agitation intellectuelle. C'est un moyen de fuir devant les peurs collectives que nous ressentons.

L'inconvŽnient de cette agitation intellectuelle est qu'elle prive de force la rŽflexion approfondie. Et diminue en consŽquence les possibilitŽs de communiquer vŽritablement avec autrui. Ë force de patience et d'Žchanges, nŽanmoins, les pensŽes se dŽgageront de cette habitude, nŽfaste pour leur sŽrŽnitŽ, de se prŽcipiter dans l'action ˆ court terme.

N'est-ce pas ˆ ce prix qu'un changement d'attitude peut se faire ?

Un changement d'attitude vis-ˆ-vis du ch™mage et de l'emploi. Un changement d'attitude concernant le travail et le repos. Un changement d'attitude envers le profit et la qualitŽ de l'ouvrageÉ

RŽflŽchissons-y posŽment.

 

Des bases stables.

Ë de nombreuses reprises, nous avons donc constatŽ un certain manque d'efficacitŽ des mesures dites "contre le ch™mage" ou "pour l'emploi". Cela ne veut pas dire que rien ne sera jamais efficace. Cela ne veut pas dire qu'il ne servirait ˆ rien d'agir sous prŽtexte que le ch™mage est utile au progrs de l'Histoire. Cela ne signifie pas que l'Žconomie est une illusion, et qu'il ne faut plus s'en prŽoccuper. Ces vues seraient nŽgatives, et inexactes de surcro”t. En revanche, si les mesures de toutes natures ont une chance d'tres efficaces et durables, c'est en les fondant sur des bases stables.  

Le mental qui cogite des doctrines, le matŽrialisme des affaires, ont une f‰cheuse tendance avons-nous Žcrit, ˆ ne pas prendre assez en compte les impondŽrables de la nature humaine. Ou ˆ vouloir les mater ! C'est pourquoi toute la premire partie de cet ouvrage a insistŽ sur la bonne utilisation des motivations et le respect des rgles immuables en la matire. On ne b‰tit pas des Ždifices sur le sable mouvant. Hormis des tours de Babel ! Cependant, les progrs physiques, les nouvelles techniques, nous librent des servitudes matŽrielles. Alors, pourquoi laisser les idŽes fausses nous asservir ˆ cette matire, alors que sa ma”trise concourre ˆ nous rendre plus libre ? C'est un titanesque paradoxe !

Le ch™meur a sur les idŽes un champ d'action grandiose, s'il veut bien s'en donner la peine. Le non-ch™meur Žgalement, s'il consent ˆ consacrer un peu de ses loisirs ˆ engager un dialogue plus approfondi avec son voisin ch™meur. Au fait, il va en avoir un peu plus, depuis la loi sur les 35 heures !É

 

L'Žnergie suit la pensŽe plus sžrement que l'argent,

titre cette troisime Žtape. Quel en est le sens ? Chacun sera d'accord pour reconna”tre ce vieil adage qui reconna”t ˆ une forte pensŽe volontaire le pouvoir de changer bien des choses dŽfectueuses. Elle n'est pas l'apanage des seuls hŽros. Tous les individus anonymes, de condition modeste et obscure, composant les peuples qui ont rŽsistŽ aux oppressions et aux destructions humaines ou naturelles, sont lˆ pour conforter notre propre persŽvŽrance. La pensŽe rŽorientŽe peut aussi tre utilisŽe pour nous libŽrer de cet intellect dont nous parlions juste avant et qui nous asservit.

Cette pensŽe organisŽe, mŽthodique, dŽterminŽe permet aussi bien ˆ un skieur de compŽtition de descendre une piste ˆ 120 km/h ou plus, qu'ˆ un virtuose de faire entendre l'‰me de son violon, ou ˆ un otage de garder le moral pendant des annŽes de captivitŽ incertaine. Cette pensŽe permet de vaincre : l'atome et de domestiquer l'Žnergie ; la pesanteur et d'aller dans le cosmos ; l'incertitude de l'existence et de pŽnŽtrer dans ce monde inconnu de la vŽritable Foi et de la connaissance. Comme elle permet pareillement au spŽculateur de rŽaliser des fortunes.

 

Mais lorsque l'argent est dŽtournŽ de son r™le essentiel et devient objet de consommation, but d'un marketing inconsidŽrŽ, atour symbolique d'une puissance bien ŽphŽmre de l'ego, ou thme d'une idŽologie politique aveugleÉ, alors la pensŽe ŽclairŽe, fraternelle, humaniste, ne doit-elle pas reprendre les rnes ?

Elle le peut incontestablement. Lorsqu'un citoyen, par exemple, se rend volontairement indŽpendant d'un objet de consommation non essentiel, il constate la supŽrioritŽ de la force de la pensŽe, sur la suggestion Žmotionnelle de la publicitŽ. Plus forte que le dŽsir de possŽder. L'opinion qui en fin 1999 montra sa face dŽterminŽe ˆ Seattle, ˆ la rŽunion de l'Organisation Mondiale du Commerce, pour faire reconna”tre la volontŽ des peuples de ma”triser leurs conditions d'existence, ne commence-t-elle pas aussi ˆ prouver la supŽrioritŽ de la force de la pensŽe sur le pouvoir de l'argent ? Mais comme elle dŽrange, on tente de la ridiculiser. C'est le choc en retour de toute forme de rŽvolution.

 

 

Trois aspects de la pensŽe.

Trs curieusement, la pensŽe destructrice et la pensŽe constructrice s'allient pour faire Žvoluer la pesŽe conservatrice.

La pensŽe conservatrice a aussi son bien fondŽ ; lors d'une pŽriode de prospŽritŽ tranquille. En pŽriode de mutation, elle doit irrŽmŽdiablement se transformer. La pensŽe destructrice poussant l'Žconomie dans des outrances que l'homme n'avait pas souhaitŽes, favorise la pensŽe constructrice par contrecoup.

La pensŽe conservatrice, cristallisante et tueuse de la libertŽ, dŽsigne trop souvent le principal groupe dont c'est la vocation : les fonctionnaires. Mais cette pensŽe conservatrice peut se rencontre chez n'importe quel citoyen, n'importe quel Žlu du peuple, mme de bonne foi, s'il n'y prte garde. De fait, nous avons tous en nous, une part plus ou moins importante de chacune de ses formes de pensŽe.

Ce sont les spŽcificitŽs de cette pensŽe reconstructrice, chez le ch™meur en particulier, que nous nous attachons ˆ dŽcrypter. Ils ne sont pas, bien sžr, les seuls ˆ l'exercer. NŽanmoins, le ch™meur a sans doute un potentiel plus large de cette pensŽe constructrice ˆ exprimer. Car il n'est plus vraiment concernŽ par les deux autres : presque tout s'est dŽsagrŽgŽ autour de lui et il ne lui reste rien ˆ dŽtruire lui-mme. Quant ˆ conserver : il n'a plus que sa santŽ, son moral qui puisse en bŽnŽficier ! L'espoir en est lˆ son plus fidle alliŽ.

 

            L'argent, outil de son drame est aussi celui de sa libŽration. Bien sžr, trop souvent dans la douleur. Mais cet argent-lˆ n'est que celui auquel s'attachent les convoitises, la cupiditŽ. Ce petit argent-lˆ enferme les individus qui y touchent, dans un malheur encore plus irrŽversible que la pauvretŽ. Un peu comme des physiciens qui toucheraient du plutonium sans combinaison de protection. Entre l'affairisme et l'Art de gagner de l'argent, pour en faire bŽnŽficier les autres, sans s'oublier bien entendu, il y a un gouffre, une fracture lˆ aussi, que la Plante est en train de chercher ˆ combler.

L'argent divise les hommes ; l'idŽal les rŽunit. Entre le partage imposŽ des richesses, conduisant ˆ l'appauvrissement de tous, et la rŽpartition ˆ la mesure des besoins d'indŽpendances de tous et des mŽrites de chacun, il y a encore un autre gouffre. Les politiques s'y cassent les reins depuis des lustres !  Mais ce sujet ne saurait nous entra”ner trop loin. Le ch™meur n'a certainement pas ˆ dŽsespŽrer : un jour sa situation sera plus brillante. En attendant, sans beaucoup d'argent, il est dotŽ d'une richesse et d'un pouvoir bien supŽrieur : celui d'une pensŽe libre. Elle peut agir dans le sens d'un mieux-tre pour son entourage. Et puis diffuser de proche en proche. Et finalement toucher des pans entiers de l'opinion publique.

 

Une pensŽe libre.

La notion de travail ne subit-elle pas aussi l'Žpreuve des clivages ? Dans ce cadre de rŽflexion, l'opposition entre travail intellectuel et travail manuel est celle qui vient la premire ˆ l'esprit. Mais il y a bien d'autres formes de travail, d'Žgale importance. Nous l'avons vu ˆ propos des axes de travail du ch™meur. Essayons de poursuivre dans ce sens. Il y a un travail affectif et sensible. On parlera de travail du "deuil" par exemple. Ou, dans les ordres monastiques, nous entendrons les moines parler de la prire, de la compassion, comme d'un travail de grande valeur pour l'humanitŽ. Nous en avons dŽjˆ parlŽ.

 Il s'agit ici de nous intŽresser plus ˆ un exercice ˆ la fois mental et de l'imagination crŽatrice, qui permet d'asseoir une rŽflexion ˆ propos du ch™mage sur des bases scientifiques, plus rationnelles et expŽrimentales. Les mots ayant une couleur comme disent les potes, il convient de trier ceux qui sont trop ternes. Ne dit-on pas par exemple qu'une pensŽe est pessimiste, triste, grise, "dŽcomposŽe"É, ou au contraire optimiste, joyeuse, rŽconfortante ? ThŽrapeutique, mme ? Par l'exercice rŽgulier, la pensŽe se fait des "muscles". Et le sujet du ch™mage est un excellent terrain d'entra”nement ! Nous comprenons alors que la juste attitude consiste ˆ faire une sŽlection, un tri scientifique ; non ˆ opposer pensŽe et sentiment comme notre vieille civilisation ne cesse de le faire. On parvient ainsi ˆ se dŽptrer d'un cartŽsianisme mal digŽrŽÉ depuis plus de trois sicles.

 

            La pensŽe nous permet d'acquŽrir des degrŽs de libertŽ, sans cesse croissants. Une simple classification de ces degrŽs peut prŽsenter un rŽel encouragement pour celui qui s'exerce ˆ cette seule activitŽ, dans la solitude du ch™mage. Examinons brivement ce que nous dit la Sagesse traditionnelle.

 

Le fondement non-violent de la pensŽe est un prŽliminaire incontournable. Car celui qui dŽtruit, par la pensŽe trop critique, la haine, exactement comme par la dŽgradation de biens physiques, devra toujours reconstruire. Et en attendant, il n'avance pas. Ne vaut-il pas mieux Žpargner cette dŽpense non indispensable, autant que cela est possible ? Nous ne nous occupons donc pas ici de cet intellect instable sur lequel les pensŽes s glissent comme sur du verglas. Les intellections brillantes mais versatiles, agitŽes, sŽparatives, polŽmiques, violentes, Žgo•stes, haineuses, mensongres, malhonntesÉ, ne permettent pas l'activitŽ dont il est question dans cette troisime partie. Les paroles qui jappent, invectivent, salissent, Žcornent, braillent, rugissent, bramentÉ, non plus. C'est-ˆ-dire que ces modes d'expression nŽcessitant encore de s'Žduquer par la conflagration douloureuse. Ë la base de cette violence se rencontre un grand besoin d'affirmation insatisfait, et une dŽvalorisation importante. Le reconna”tre est un pas en avant pour s'en libŽrer. Mais sans un entra”nement persŽvŽrant, cette reconnaissance est insuffisante.

La violence rentrŽe ˆ propos du ch™mage, par une part des citoyens, est telle qu'il a semblŽ souhaitable de rappeler ce fondement de non-violence tout au long de notre expŽriencerecherche, pour ne pas nous y faire piŽger.

 

Si l'on veut progresser plus loin, vers l'Žtablissement de justes relations, ou la participation ˆ la rŽorientation de l'opinion, le discernement incessant est de plus requis. Aucune conception, n'est jamais acquise !

 

Cette pensŽe non-violente gagne ainsi en degrŽs de libertŽ lorsqu'elle s'entra”ne progressivement ˆ franchir  acquŽrir les trois Žtapes qualifications suivantes, bien connuesuivantes, bien connues des philosophes.

- La pensŽe de bon sens. Celle qui discerne entre l'activitŽ Žgo•ste et les actes dŽsintŽressŽs. Elle permet d'orienter nos propres choix dans le sens d'une plus grande moralitŽ. Elle est accessible ˆ toutes les bonnes volontŽs, aussi humbles soit-elles.

- La pensŽe logique. Celle qui est plus attentive aux motivations de l'individu et aux freins psychologiques ˆ son action. Elle permet de trouver un juste Žquilibre entre la satisfaction normale des besoins et la libre responsabilitŽ vis-ˆ-vis du groupe. Il n'est pas question d'une responsabilitŽ imposŽe par un quelconque sens de culpabilitŽ, comme la phrase "ˆ chacun de prendre ses responsabilitŽs" a trop souvent tendance ˆ le sous-entendre.

 La pensŽe plus subtilement discriminative. Celle qui permet de distinguer entre ce dont on peut se contenter pour la commoditŽ d'une situation, et une exigence supŽrieure, de surpassement de soi pour le bien universel. Elle ne laisse plus aucune place ˆ l'idŽologie de masse, mais plut™t ˆ un sens individuel de l'ƒthique.

 

La pensŽe ma”trisŽe aboutit ˆ ce qui est appelŽ communŽment un penseur libre. Il peut se rencontrer dans tous les milieux sociaux. Il n'a de mŽrite ˆ devoir qu'ˆ lui-mme.

Avec cette simple grille trs efficiente, chacun peut analyser, s'il est patient, ses propres pensŽes et actes. Puis Žtudier les fondements thŽoriques des principales actions collectives concernant le ch™mage. Et s'entra”ner ainsi ˆ discerner le niveau de libertŽ atteint par lui-mme, les acteurs publics ou l'opinion. Le rŽsultat vaut largement le temps investi.

 

La foi du charbonnier.

La pensŽe ma”trisŽe, ordonnŽe, rend la parole plus efficace. Y compris celle du ch™meur dans son isolement relatif. Car elle se propage de proche en proche, pour changer le regard sur une question.  Il est important pour le ch™meur d'tre conscient de cette capacitŽ de la parole bien pensŽe ˆ se propager, car ainsi il auto-motive plus facilement son action. Il se souviendra d'ailleurs qu'une technique commerciale utilise cette propagation naturelle ˆ partir de trs petits groupes (il en sera question au chapitre suivant).

La pensŽe imaginative, d'autre part, donne la possibilitŽ de relier les individus. Un explorateur relativement solitaire comme l'Žtait Paul-ƒmile Victor nous fournit une bonne image de ce lien immatŽriel de fraternitŽ entre tous les pionniers perdus de par le monde. L'imagination nous permet de mme de nous reprŽsenter tous ces ch™meurs ŽparpillŽs, mais corrŽlŽs de manire significative comme un nuage de points, pour utiliser le langage du statisticien. Cette positivation de la pensŽe peut tre rŽconfortante pour le ch™meur qui trouve son isolement pŽnible. Ë lui d'exercer son pouvoir crŽatif !É

La pensŽe forte, ordonnŽe, crŽative, finira par tre relayŽe, mais dans un second temps seulement, par les moyens d'expression traditionnels. Le vote, le rŽfŽrendum, les sondages, les groupes et les personnes publiques, les mŽdiaÉ amplifieront d'une manire ou d'une autre tous ces noyaux de pensŽe initiaux.

 

La manire dont ces petits ruisseaux de pensŽe peuvent inflŽchir l'opinion publique est encore mystŽrieuse.

Plut™t que de se lancer dans la recherche d'hypothses contestables, ne vaut-il pas mieux expŽrimenter soi-mme, sur place, la force de cette pensŽe renouvelŽe, avec la foi du charbonnier. Ou pour prendre une autre image, qui parlera mieux aux personnes sensibles, nous pouvons nous rappeler cet Žpisode de la vie de Mre TŽrŽsa, lorsqu'elle cherchait ˆ sauver des enfants handicapŽs, dans un h™pital libanais sous les bombardements. Demandant de l'aide ˆ un militaire haut gradŽ, celui-ci rŽpondit, bienveillant, qu'il faudrait beaucoup de temps. Et qu'en attendant, il Žtablirait une stratŽgie et prŽparerait une tactique. Ë quoi la Sainte femme rŽtorqua que ce n'Žtait pas la bonne manire de s'y prendre ; qu'il fallait trs simplement aller derrire les lignes ennemies, et ramener un enfantÉ, puis deuxÉ, puis troisÉ, et ainsi de suite. Toujours sceptique, le militaire rŽpondit qu'il faudrait cependant attendre que les bombardements cessent. J'ai priŽ pour cela, rŽpondit-elle. Le Ciel n'y peut pas grand-chose, insista-t-il. Et le commentateur de ce remarquable reportage, diffusŽ il y a quelques annŽes, d'ajouter avec un humour trs britannique : le lendemain, les bombardements cessrent comme par miracle ! Et les enfants furent sauvŽs tout simplement.

Les pensŽes positives sont comme ces enfants qui rŽclament une aide directe ; sans construction intellectuelle. Un jour on s'aperoit qu'elles sont rŽunies en une ronde par l'opinion publique qui imprime un nouveau rythme aux ancienneennes idŽes conceptions de toute la collectivitŽ. Ne nous inquiŽtons donc pas des thŽories, et essayons d'agir par notre pensŽe et notre simple parole. Elle peut tre un baume pour l'entourage, bien plus que nous ne l'imaginons. Ou ne pouvons mme le constater dans l'immŽdiat. Ne dit-on pas que les idŽes sont comme des graines ?É

 

La force de la pensŽe du ch™meur, une fois forgŽe dans la solitude et les privations, peut rŽsister bien mieux que tout autre au dŽfaitisme, ˆ l'anxiŽtŽ, ˆ la morositŽ, au matŽrialisme exacerbŽ, de ses contemporains. Et faire voir des aspects plus larges, plus prometteurs d'une plus pleine coopŽration.

 

            Faut-il attendre un moment particulier pour agir ? L'exercice est nŽcessaire ˆ tout moment. Pour prendre une image, lorsque les Forces alliŽes ont dŽbarquŽ en Normandie, lors de la deuxime guerre mondiale, elles s'Žtaient prŽparŽ, selon des mŽthodes mathŽmatiques sophistiquŽes (encore enseignŽes de nos jours dans des instituts de gestion), et entra”nŽ plusieurs annŽes auparavant. La RŽsistance y avait apportŽ son concours long et patient.

Pour se libŽrer des inerties, des idŽes fausses, de la bulle de morositŽ, ou d'un moral superficiel, un patient travail sur le ch™mage est Žgalement nŽcessaire[1]. Voici un quart de sicle qu'il se dŽroule.

Il peut aussi tre aidŽ. L'exercice du dialogue, du bon sens, de la bonne volontŽ, du discernement, nŽcessitent ce mme esprit de prŽparation, pour une remise en ordre des idŽes. Lorsque le fruit sera mžr, alors il ne restera plus qu'ˆ le cueillir.

Les grands tournants de l'Histoire ont nŽcessitŽ l'impulsion des masses pour que les dirigeants puissent saisir l'opportunitŽ. Tous ceux qui sont concernŽs par le ch™mage n'ont-il pas l'envie de donner cette impulsion ? Sans qu'aucun parti, aucun dirigeant ne puisse les enfermer dans un programme prŽcis au dŽpart. Les politiques canaliseront ensuite les aspirations nouvelles mises en lumire par le peuple. Mais ils n'imposeront pas au peuple une mutation. Du moins en ce qui concerne les pays dŽmocratiques.  Pourquoi attendre ? Attendre qui ? Alors que chacun peut agir ˆ chaque instant de sa vie. Il sera le premier ˆ en bŽnŽficier dans son propre milieuÉ Voici des paroles que nous pouvons nous dire ˆ nous-mme pour conforter un optimisme raisonnable.

 

            L'Histoire progresse comme le long d'un escalier en colimaon ! Pour le lecteur qui a empruntŽ celui de la tour de Pise, il n'a pu manquer de constater, en continuant sa montŽe du c™tŽ o penche la tour, la sensation physiologique de descendre ! Elle a pu lui procurer un sentiment d'immobilisme ou de pesanteur dŽsagrŽable. N'en serait-il pas de mme de notre pŽriode actuelle, et du ch™mage en particulier ? Le progrs se poursuit malgrŽ l'impression nŽgative.

Ce sujet auquel nous nous sommes attelŽs en compagnie du lecteur depuis quelque temps maintenant suit Žgalement une ŽlŽvation en colimaon : nous avons vu les thmes revenir pŽriodiquement. N'acquirent-ils pas plus de lŽgretŽ dans notre esprit, ˆ mesure que nous nous dŽtachons de leur poids affectif ? De l'individu emptrŽ dans le ch™mage, dans la premire partie, nous sommes passŽs, dans la deuxime partie, ˆ l'idŽaliste qui se reconstruisait par la reconnaissance positive de son travail, puis nous en arrivons ici ˆ envisager l'action du citoyen-ch™meur libre, ou en voie de le devenir. La pensŽe agit ainsi.

 

L'action la plus fondamentale n'est-elle pas d'tre. ætre tout simplement ch™meur, pendant le temps que cela dure. Mais l'tre consciemment, dans une attitude de rŽsistance au fatalisme aussi sereine que possible. (Comme, par exemple, en se rŽinscrivant avec persŽvŽrance ˆ l'Anpe sur la liste des ch™meurs, dont on a Žventuellement pu tre rayŽ, puis en redŽposant un dossier de demande d'allocations auprs des Assedic). Au-delˆ de son travail automatique, selon les axes vus dans la deuxime partie, ses autres possibilitŽs d'action volontaire concernent essentiellement ses rapports avec les personnes rencontrŽes. Par une comprŽhension de l'opinion publique, il peut aussi voir l'effet de diffusion des initiatives ponctuelles ˆ plus large Žchelle.

 

L'objectif de cette pensŽe aguerrie est de dŽvelopper un sens d'unitŽ, entre ch™meurs et non-ch™meurs en particulier, afin de mettre fin aux fractures socio-politiques et Žconomiques. Nous allons donc continuer notre progression sur un tour supŽrieur de la spirale, en nous penchant ˆ nouveau sur les principaux thmes qui constituent la base essentielle de la comprŽhension du ch™mage. Les chapitres en sont intitulŽs :

ƒtablir de justes relations entre ch™meurs et non-ch™meurs

ƒduquer l'opinion publique

Reconna”tre le travail du ch™meur sur la civilisation

Stopper d'urgence l'hŽmorragie des ch™meurs !

Dites-moi si je vais vivre ?

 

Cette troisime partie peut sembler plus thŽorique. Mais elle se rŽvle ˆ l'expŽrience, tout aussi pratique. Le ch™meur s'apercevra qu'il a la capacitŽ d'agir, bien plus qu'il ne le croit, par la pensŽe.

 

 

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[1] Dans les dernires annŽes du millŽnaire, la courbe mensuelle semble osciller entre 20 ˆ 30 % des Franais qui disent avoir un moral plut™t mauvais. (Sondage BVA pour Paris Match : Le moral des Franais). Mais il y a toujours une marge trs difficilement cernable entre ce que l'on exprime, et les non-dits. En l'occurrence, bien des personnes peuvent dire avoir un bon moral pour se rassurer elles-mmes, ou parce qu'elles ne font pas entrer dans leur champ d'apprŽciation, sur le moment, la prŽoccupation majeure du ch™mage. Leur moral, dans le fond, n'est peut-tre pas aussi bon qu'elles le disent.