TROISIéME PARTIE
L'ƒNERGIE
SUIT LA PENSƒE
PLUS SóREMENT QUE L'ARGENT
"Tout
travail a une Žgale importance".
Principe
de la sagesse.
Changer
les mentalitŽs de proche en proche : Des bases stables. — L'Žnergie suit la
pensŽe plus sžrement que
l'argent.
— Trois aspects de la pensŽe. — Une pensŽe libre. — La foi du
charbonnier.
Changer les mentalitŽs de proche en
proche.
P |
arvenu ˆ cette Žtape de son
parcours, le ch™meur s'interroge. Il sait que ce fleuve tumultueux dans lequel
le ch™mage l'a fait tomber, est en grande partie traversŽ. Selon sa certitude
d'avoir enfin trouvŽ l'emploi espŽrŽ ; ou sa dŽcouverte d'une autre voie, la
vraie pour lui ; ou simplement son attente paisible d'une retraite, avec comme
but un renouveau qu'il a dŽjˆ mis en chantierÉ il sait maintenant qu'il est
prs d'atteindre l'autre rive du ch™mage. S'Žtant rendu compte du travail que
tous les ch™meurs effectuaient un peu malgrŽ eux, ayant vu qu'ils Ïuvraient
pour le bien de la Civilisation ˆ venir, il se demande s'il est nŽcessaire de
faire autre chose.
Cette troisime partie intŽressera
plus celui qui a trouvŽ le calme et la paix intŽrieurs, que celui qui est
encore ˆ se battre avec les idŽes militantes ou rŽvoltŽes. L'autre forme
d'action envisagŽe ici est toujours en parallle ˆ une recherche d'emploi ou de
nouvelle activitŽ. Le lecteur ne doit pas se tromper : il n'est pas question de
pr™ner l'inactivitŽ ou les vacances Žternelles. Le voudrait-il d'ailleurs, que
la vie ne le lui permettrait pas. Il s'agit d'envisager un autre type d'action
pour que la douleur du ch™mage n'existe plus. Nous revenons toujours ˆ ce
facteur d'alerte essentiel !
Il y a
bien des formes d'action. Selon sa
place dans la sociŽtŽ, chacun peut agir avec ses moyens : exercer son pouvoir,
Žcouter avec compassion, organiser des secours, Žduquer les masses pour la prŽvention,
etcÉ Le ch™meur a bien peu de tous ces moyens, pensent certains sceptiques. Ils
se trompent ! Puisque dŽjˆ la masse du peuple de ch™meurs produit un travail
automatique. Une relecture des axes vus prŽcŽdemment achvera peut-tre
d'Žroder ce scepticisme.
Le ch™meur peut aussi agir plus
consciemment, par sa pensŽe et sa parole, autour de lui. Il peut changer les
mentalitŽs de proche en proche. Nous
verrons plus prŽcisŽment dans cette troisime partie comment il le fera encore
plus efficacement. Comment les intellections technocratiques peuvent tre
apprivoisŽes par une pensŽe plus ŽclairŽe.
Un
changement d'attitude : cesser de rŽagir, d'abord.
En
parlant de ce sujet du ch™mage, le lecteur rencontrera bien des interlocuteurs
le pressant de s'engager, de manifester ; ou si les circonstances s'y prtent,
de rŽdiger encore un dossier technique, avec encore de nouvelles solutions
chiffrŽes : ˆ propos des indemnisations, des nouvelles sources d'emplois, de la
formation, etcÉ En un mot, toutes ces bonnes volontŽs voudraient que le ch™mage
n'existe plus avant mme qu'il n'ait atteint son but !
Nous
pouvons alors nous recentrer en permanence sur une rŽalitŽ, une simple
Žvidence : ˆ quoi servent ces multiples mesures pratiques mises en
place depuis des annŽes ?
Certaines
sont peut-tre indispensables sous certains aspects ; il n'y a pas lieu de
critiquer les efforts des pouvoirs publics. Mais le nombre croissant des
ch™meurs dans l'ombre est lˆ pour nous rappeler ˆ la raison. Et si le ch™mage
est bien ce levier de la Civilisation du Troisime millŽnaire, le temps n'est peut-tre pas encore tout ˆ fait venu,
semble-t-il, pour aborder les solutions pratiques pour le vrai plein emploi.
Quoi qu'on essaye de nous faire croire par ailleurs. Les causes cachŽes du ch™mage
doivent tre traitŽes avant. Les esprits sont encore trop prŽoccupŽs des aspects
matŽriels, et pas assez des besoins profondŽment humains, et Žgalement
humanistes, des individus. Ils entendent ˆ peine, sans doute encore trop
assourdis par leurs propres peurs et fausses certitudes, la vraie demande.
NŽanmoins, bien des dossiers ont ŽtŽ soigneusement prŽparŽs par bien des
experts. Le travail de tous ces concepteurs n'est certainement pas perdu. Il
est en attente, simplement.
Il est
utile de revenir ˆ la source de la Sagesse. Elle nous enseigne dans notre cas,
ˆ commencer par cesser d'agir, ou
plut™t de rŽagir. En refusant toute
suggestion d'un mental agitŽ par les passions. Dire non, d'abord ! Puis,
ensuite seulement : rŽflŽchir. Tandis que notre civilisation occidentale
emprunte le chemin inverse, semŽ d'embžches, d'une rŽflexion dans le feu
incessant de l'action, qui lui fait prendre des dŽcisions sans les asseoir
suffisamment sur des bases stables.
Agir en
pensŽe ne consiste pas seulement ˆ faire des propositions d'ordre politique ou
administratif, ˆ Žlaborer de nouveaux plans Žconomiques, sociaux, etc. Car il
arrive un moment o l'action mentale se confond avec l'agitation
intellectuelle. C'est un moyen de fuir devant les peurs collectives que nous
ressentons.
L'inconvŽnient
de cette agitation intellectuelle est qu'elle prive de force la rŽflexion
approfondie. Et diminue en consŽquence les possibilitŽs de communiquer
vŽritablement avec autrui. Ë force de patience et d'Žchanges, nŽanmoins, les
pensŽes se dŽgageront de cette habitude, nŽfaste pour leur sŽrŽnitŽ, de se
prŽcipiter dans l'action ˆ court terme.
N'est-ce pas ˆ ce prix qu'un changement
d'attitude peut se faire ?
Un changement d'attitude vis-ˆ-vis
du ch™mage et de l'emploi. Un changement d'attitude concernant le travail et le
repos. Un changement d'attitude envers le profit et la qualitŽ de l'ouvrageÉ
RŽflŽchissons-y posŽment.
Des bases stables.
Ë de
nombreuses reprises, nous avons donc constatŽ un certain manque d'efficacitŽ
des mesures dites "contre le ch™mage" ou "pour l'emploi".
Cela ne veut pas dire que rien ne sera jamais efficace. Cela ne veut pas dire
qu'il ne servirait ˆ rien d'agir sous prŽtexte que le ch™mage est utile au
progrs de l'Histoire. Cela ne signifie pas que l'Žconomie est une illusion, et
qu'il ne faut plus s'en prŽoccuper. Ces vues seraient nŽgatives, et inexactes
de surcro”t. En revanche, si les mesures de toutes natures ont une chance
d'tres efficaces et durables, c'est en les fondant sur des bases stables.
Le mental
qui cogite des doctrines, le matŽrialisme des affaires, ont une f‰cheuse
tendance avons-nous Žcrit, ˆ ne pas prendre assez en compte les impondŽrables
de la nature humaine. Ou ˆ vouloir les mater ! C'est pourquoi toute la premire
partie de cet ouvrage a insistŽ sur la bonne utilisation des motivations et le
respect des rgles immuables en la matire. On ne b‰tit pas des Ždifices sur le
sable mouvant. Hormis des tours de Babel ! Cependant, les progrs physiques,
les nouvelles techniques, nous librent des servitudes matŽrielles. Alors,
pourquoi laisser les idŽes fausses nous asservir ˆ cette matire, alors que sa
ma”trise concourre ˆ nous rendre plus libre ? C'est un titanesque paradoxe !
Le
ch™meur a sur les idŽes un champ d'action grandiose, s'il veut bien s'en donner
la peine. Le non-ch™meur Žgalement, s'il consent ˆ consacrer un peu de ses
loisirs ˆ engager un dialogue plus approfondi avec son voisin ch™meur. Au fait,
il va en avoir un peu plus, depuis la loi sur les 35 heures !É
L'Žnergie
suit la pensŽe plus sžrement que l'argent,
titre
cette troisime Žtape. Quel en est le sens ? Chacun sera d'accord pour
reconna”tre ce vieil adage qui reconna”t ˆ une forte pensŽe volontaire le pouvoir
de changer bien des choses dŽfectueuses. Elle n'est pas l'apanage des seuls
hŽros. Tous les individus anonymes, de condition modeste et obscure, composant
les peuples qui ont rŽsistŽ aux oppressions et aux destructions humaines ou
naturelles, sont lˆ pour conforter notre propre persŽvŽrance. La pensŽe
rŽorientŽe peut aussi tre utilisŽe pour nous libŽrer de cet intellect dont
nous parlions juste avant et qui nous asservit.
Cette
pensŽe organisŽe, mŽthodique, dŽterminŽe permet aussi bien ˆ un skieur de
compŽtition de descendre une piste ˆ 120 km/h ou plus, qu'ˆ un virtuose de
faire entendre l'‰me de son violon, ou ˆ un otage de garder le moral pendant
des annŽes de captivitŽ incertaine. Cette pensŽe permet de vaincre : l'atome et
de domestiquer l'Žnergie ; la pesanteur et d'aller dans le cosmos ;
l'incertitude de l'existence et de pŽnŽtrer dans ce monde inconnu de la
vŽritable Foi et de la connaissance. Comme elle permet pareillement au
spŽculateur de rŽaliser des fortunes.
Mais
lorsque l'argent est dŽtournŽ de son r™le essentiel et devient objet de consommation, but d'un marketing inconsidŽrŽ, atour
symbolique d'une puissance bien ŽphŽmre de l'ego, ou thme d'une idŽologie
politique aveugleÉ, alors la pensŽe ŽclairŽe, fraternelle, humaniste, ne doit-elle
pas reprendre les rnes ?
Elle le
peut incontestablement. Lorsqu'un citoyen, par exemple, se rend volontairement
indŽpendant d'un objet de consommation non essentiel, il constate la
supŽrioritŽ de la force de la pensŽe, sur la suggestion Žmotionnelle de la
publicitŽ. Plus forte que le dŽsir de possŽder. L'opinion qui en fin 1999
montra sa face dŽterminŽe ˆ Seattle, ˆ la rŽunion de l'Organisation Mondiale du
Commerce, pour faire reconna”tre la volontŽ des peuples de ma”triser leurs
conditions d'existence, ne commence-t-elle pas aussi ˆ prouver la supŽrioritŽ
de la force de la pensŽe sur le pouvoir de l'argent ? Mais comme elle dŽrange,
on tente de la ridiculiser. C'est le choc en retour de toute forme de
rŽvolution.
Trois
aspects de la pensŽe.
Trs curieusement,
la pensŽe destructrice et la pensŽe constructrice s'allient pour faire Žvoluer la pesŽe conservatrice.
La
pensŽe conservatrice a aussi son bien fondŽ ; lors d'une pŽriode de prospŽritŽ
tranquille. En pŽriode de mutation, elle doit irrŽmŽdiablement se transformer.
La pensŽe destructrice poussant l'Žconomie dans des outrances que l'homme
n'avait pas souhaitŽes, favorise la pensŽe constructrice par contrecoup.
La pensŽe conservatrice,
cristallisante et tueuse de la libertŽ, dŽsigne trop souvent le principal
groupe dont c'est la vocation : les fonctionnaires. Mais cette pensŽe
conservatrice peut se rencontre chez n'importe quel citoyen, n'importe quel Žlu
du peuple, mme de bonne foi, s'il n'y prte garde. De fait, nous avons tous en
nous, une part plus ou moins importante de chacune de ses formes de pensŽe.
Ce sont
les spŽcificitŽs de cette pensŽe reconstructrice, chez le ch™meur en
particulier, que nous nous attachons ˆ dŽcrypter. Ils ne sont pas, bien sžr,
les seuls ˆ l'exercer. NŽanmoins, le ch™meur a sans doute un potentiel plus
large de cette pensŽe constructrice ˆ exprimer. Car il n'est plus vraiment
concernŽ par les deux autres : presque tout s'est dŽsagrŽgŽ autour de lui et il
ne lui reste rien ˆ dŽtruire lui-mme. Quant ˆ conserver : il n'a plus que sa
santŽ, son moral qui puisse en bŽnŽficier ! L'espoir en est lˆ son plus fidle
alliŽ.
L'argent,
outil de son drame est aussi celui de sa libŽration. Bien sžr, trop souvent dans la douleur. Mais cet argent-lˆ
n'est que celui auquel s'attachent les convoitises, la cupiditŽ. Ce petit
argent-lˆ enferme les individus qui y touchent, dans un malheur encore plus
irrŽversible que la pauvretŽ. Un peu comme des physiciens qui toucheraient du
plutonium sans combinaison de protection. Entre l'affairisme et l'Art de gagner
de l'argent, pour en faire bŽnŽficier les autres, sans s'oublier bien entendu,
il y a un gouffre, une fracture lˆ aussi, que la Plante est en train de
chercher ˆ combler.
L'argent
divise les hommes ; l'idŽal les rŽunit.
Entre le partage imposŽ des richesses,
conduisant ˆ l'appauvrissement de tous, et la rŽpartition ˆ la mesure des besoins d'indŽpendances de tous et des mŽrites de
chacun, il y a encore un autre gouffre. Les politiques s'y cassent les reins
depuis des lustres ! Mais ce sujet
ne saurait nous entra”ner trop loin. Le ch™meur n'a certainement pas ˆ
dŽsespŽrer : un jour sa situation sera plus brillante. En attendant, sans
beaucoup d'argent, il est dotŽ d'une richesse et d'un pouvoir bien supŽrieur :
celui d'une pensŽe libre. Elle peut agir dans le sens d'un mieux-tre pour son
entourage. Et puis diffuser de proche en proche. Et finalement toucher des pans entiers de l'opinion
publique.
Une
pensŽe libre.
La
notion de travail ne subit-elle pas aussi l'Žpreuve des clivages ? Dans ce
cadre de rŽflexion, l'opposition entre travail intellectuel et travail manuel
est celle qui vient la premire ˆ l'esprit. Mais il y a bien d'autres formes de
travail, d'Žgale importance. Nous
l'avons vu ˆ propos des axes de travail du ch™meur. Essayons de poursuivre dans
ce sens. Il y a un travail affectif et sensible. On parlera de travail du
"deuil" par exemple. Ou, dans les ordres monastiques, nous entendrons
les moines parler de la prire, de la compassion, comme d'un travail de grande
valeur pour l'humanitŽ. Nous en avons dŽjˆ parlŽ.
Il s'agit ici de nous intŽresser plus ˆ
un exercice ˆ la fois mental et de l'imagination crŽatrice, qui permet
d'asseoir une rŽflexion ˆ propos du ch™mage sur des bases scientifiques, plus
rationnelles et expŽrimentales. Les mots
ayant une couleur comme disent les potes, il convient de trier ceux qui sont
trop ternes. Ne dit-on pas par exemple qu'une pensŽe est pessimiste, triste,
grise, "dŽcomposŽe"É, ou au contraire optimiste, joyeuse,
rŽconfortante ? ThŽrapeutique, mme ? Par l'exercice rŽgulier, la pensŽe se
fait des "muscles". Et le sujet du ch™mage est un excellent terrain
d'entra”nement ! Nous comprenons alors que la juste attitude consiste ˆ faire
une sŽlection, un tri scientifique ; non ˆ opposer pensŽe et sentiment comme
notre vieille civilisation ne cesse de le faire. On parvient ainsi ˆ se
dŽptrer d'un cartŽsianisme mal digŽrŽÉ depuis plus de trois sicles.
La
pensŽe nous permet d'acquŽrir des degrŽs de libertŽ, sans cesse croissants. Une simple classification de ces
degrŽs peut prŽsenter un rŽel encouragement pour celui qui s'exerce ˆ cette
seule activitŽ, dans la solitude du ch™mage. Examinons brivement ce que nous
dit la Sagesse traditionnelle.
Le fondement
non-violent de la pensŽe est un prŽliminaire
incontournable. Car celui qui dŽtruit, par la pensŽe trop critique, la haine,
exactement comme par la dŽgradation de biens physiques, devra toujours
reconstruire. Et en attendant, il n'avance pas. Ne vaut-il pas mieux Žpargner
cette dŽpense non indispensable, autant que cela est possible ? Nous ne nous
occupons donc pas ici de cet intellect instable sur lequel les pensŽes s
glissent comme sur du verglas. Les intellections brillantes mais versatiles,
agitŽes, sŽparatives, polŽmiques, violentes, Žgo•stes, haineuses, mensongres,
malhonntesÉ, ne permettent pas l'activitŽ dont il est question dans cette
troisime partie. Les paroles qui jappent, invectivent, salissent, Žcornent,
braillent, rugissent, bramentÉ, non plus. C'est-ˆ-dire que ces modes d'expression
nŽcessitant encore de s'Žduquer par la conflagration douloureuse. Ë la base de
cette violence se rencontre un grand besoin d'affirmation insatisfait, et une
dŽvalorisation importante. Le reconna”tre est un pas en avant pour s'en
libŽrer. Mais sans un entra”nement persŽvŽrant, cette reconnaissance est
insuffisante.
La violence
rentrŽe ˆ propos du ch™mage, par une part
des citoyens, est telle qu'il a semblŽ souhaitable de rappeler ce fondement de
non-violence tout au long de notre expŽriencerecherche, pour
ne pas nous y faire piŽger.
Si l'on
veut progresser plus loin, vers l'Žtablissement de justes relations, ou la
participation ˆ la rŽorientation de l'opinion, le discernement incessant est de
plus requis. Aucune conception, n'est jamais acquise !
Cette
pensŽe non-violente gagne ainsi en degrŽs de libertŽ lorsqu'elle s'entra”ne
progressivement ˆ franchir acquŽrir les
trois Žtapes
qualifications suivantes, bien connuesuivantes,
bien connues des philosophes.
- La
pensŽe de bon sens. Celle qui discerne entre
l'activitŽ Žgo•ste et les actes dŽsintŽressŽs. Elle permet d'orienter nos
propres choix dans le sens d'une plus grande moralitŽ. Elle est accessible ˆ
toutes les bonnes volontŽs, aussi humbles soit-elles.
- La
pensŽe logique. Celle qui est plus attentive
aux motivations de l'individu et aux freins psychologiques ˆ son action. Elle permet de trouver un juste Žquilibre entre la
satisfaction normale des besoins et la libre responsabilitŽ vis-ˆ-vis du
groupe. Il n'est pas question d'une responsabilitŽ imposŽe par un quelconque sens de culpabilitŽ, comme la phrase
"ˆ chacun de prendre ses responsabilitŽs" a trop souvent tendance ˆ
le sous-entendre.
- La pensŽe plus subtilement
discriminative. Celle qui permet de
distinguer entre ce dont on peut se contenter pour la commoditŽ d'une
situation, et une exigence supŽrieure, de surpassement de soi pour le bien
universel. Elle ne laisse plus aucune place ˆ l'idŽologie de masse, mais plut™t
ˆ un sens individuel de l'ƒthique.
La
pensŽe ma”trisŽe aboutit ˆ ce qui est appelŽ communŽment un penseur libre. Il peut se rencontrer dans tous les milieux sociaux. Il n'a
de mŽrite ˆ devoir qu'ˆ lui-mme.
Avec cette simple grille trs
efficiente, chacun peut analyser, s'il est patient, ses
propres pensŽes et actes. Puis Žtudier les fondements thŽoriques des
principales actions collectives concernant le ch™mage. Et s'entra”ner ainsi ˆ
discerner le niveau de libertŽ atteint par lui-mme, les acteurs publics ou
l'opinion. Le rŽsultat vaut largement le temps investi.
La
foi du charbonnier.
La
pensŽe ma”trisŽe, ordonnŽe, rend la parole plus efficace. Y compris celle du
ch™meur dans son isolement relatif. Car elle se propage de proche en proche,
pour changer le regard sur une
question. Il est important pour le ch™meur d'tre conscient de cette
capacitŽ de la parole bien pensŽe ˆ se propager, car ainsi il auto-motive plus
facilement son action. Il se souviendra d'ailleurs qu'une technique commerciale
utilise cette propagation naturelle ˆ partir de trs petits groupes (il en sera
question au chapitre suivant).
La pensŽe
imaginative, d'autre part, donne la
possibilitŽ de relier les individus. Un
explorateur relativement solitaire comme l'Žtait Paul-ƒmile Victor nous fournit
une bonne image de ce lien immatŽriel de fraternitŽ entre tous les pionniers
perdus de par le monde. L'imagination nous permet de mme de nous reprŽsenter
tous ces ch™meurs ŽparpillŽs, mais corrŽlŽs de manire significative comme un nuage de points, pour utiliser le langage du statisticien. Cette
positivation de la pensŽe peut tre rŽconfortante pour le ch™meur qui trouve
son isolement pŽnible. Ë lui d'exercer son pouvoir crŽatif !É
La
pensŽe forte, ordonnŽe, crŽative, finira par tre relayŽe, mais dans un second
temps seulement, par les moyens d'expression traditionnels. Le vote, le
rŽfŽrendum, les sondages, les groupes et les personnes publiques, les mŽdiaÉ
amplifieront d'une manire ou d'une autre tous ces noyaux de pensŽe initiaux.
La
manire dont ces petits ruisseaux de pensŽe peuvent inflŽchir l'opinion publique
est encore mystŽrieuse.
Plut™t que de se lancer dans la
recherche d'hypothses contestables, ne vaut-il pas mieux expŽrimenter
soi-mme, sur place, la force de cette pensŽe renouvelŽe, avec la foi du
charbonnier. Ou pour prendre une autre
image, qui parlera mieux aux personnes sensibles, nous pouvons nous rappeler
cet Žpisode de la vie de Mre TŽrŽsa, lorsqu'elle cherchait ˆ sauver des
enfants handicapŽs, dans un h™pital libanais sous les bombardements. Demandant
de l'aide ˆ un militaire haut gradŽ, celui-ci rŽpondit, bienveillant, qu'il
faudrait beaucoup de temps. Et qu'en attendant, il Žtablirait une stratŽgie et
prŽparerait une tactique. Ë quoi la Sainte femme rŽtorqua que ce n'Žtait pas la
bonne manire de s'y prendre ; qu'il fallait trs simplement aller derrire les
lignes ennemies, et ramener un enfantÉ, puis deuxÉ, puis troisÉ, et ainsi de
suite. Toujours sceptique, le militaire rŽpondit qu'il faudrait cependant
attendre que les bombardements cessent. J'ai priŽ pour cela, rŽpondit-elle. Le
Ciel n'y peut pas grand-chose, insista-t-il. Et le commentateur de ce
remarquable reportage, diffusŽ il y a quelques annŽes, d'ajouter avec un humour
trs britannique : le lendemain, les bombardements cessrent comme par
miracle ! Et les enfants furent sauvŽs tout simplement.
Les
pensŽes positives
sont comme ces enfants qui rŽclament une aide directe ; sans
construction intellectuelle. Un jour on s'aperoit qu'elles sont rŽunies en une
ronde par l'opinion publique qui imprime un nouveau rythme aux ancienneennes
idŽes conceptions de
toute la collectivitŽ. Ne nous inquiŽtons donc pas des thŽories, et essayons
d'agir par notre pensŽe et notre simple parole. Elle peut tre un baume pour l'entourage,
bien plus que nous ne l'imaginons. Ou ne pouvons mme le constater dans
l'immŽdiat. Ne dit-on pas que les idŽes sont comme des graines ?É
La
force de la pensŽe du ch™meur, une fois forgŽe dans la solitude et les
privations, peut rŽsister bien mieux que tout autre au dŽfaitisme, ˆ l'anxiŽtŽ,
ˆ la morositŽ, au matŽrialisme exacerbŽ, de ses contemporains. Et faire voir
des aspects plus larges, plus prometteurs d'une plus pleine coopŽration.
Faut-il
attendre un moment particulier pour agir ? L'exercice est nŽcessaire ˆ tout
moment. Pour prendre une image, lorsque les Forces alliŽes ont dŽbarquŽ en
Normandie, lors de la deuxime guerre mondiale, elles s'Žtaient prŽparŽ, selon
des mŽthodes mathŽmatiques sophistiquŽes (encore enseignŽes de nos jours dans
des instituts de gestion), et entra”nŽ plusieurs annŽes auparavant. La
RŽsistance y avait apportŽ son concours long et patient.
Pour se libŽrer des inerties, des
idŽes fausses, de la bulle de morositŽ, ou d'un moral superficiel, un patient
travail sur le ch™mage est Žgalement nŽcessaire[1].
Voici un quart de sicle qu'il se dŽroule.
Il peut
aussi tre aidŽ. L'exercice du dialogue, du bon sens, de la bonne volontŽ, du
discernement, nŽcessitent ce mme esprit de prŽparation, pour une remise en ordre des idŽes. Lorsque le fruit sera
mžr, alors il ne restera plus qu'ˆ le cueillir.
Les
grands tournants de l'Histoire ont nŽcessitŽ l'impulsion des masses pour que
les dirigeants puissent saisir l'opportunitŽ. Tous ceux qui sont concernŽs par
le ch™mage n'ont-il pas l'envie de donner cette impulsion ? Sans qu'aucun
parti, aucun dirigeant ne puisse les enfermer dans un programme prŽcis au
dŽpart. Les politiques canaliseront ensuite les aspirations nouvelles mises en
lumire par le peuple. Mais ils n'imposeront pas au peuple une mutation. Du
moins en ce qui concerne les pays dŽmocratiques. Pourquoi attendre ? Attendre qui ? Alors que chacun peut
agir ˆ chaque instant de sa vie. Il sera le premier ˆ en bŽnŽficier dans son
propre milieuÉ Voici des paroles que nous pouvons nous dire ˆ nous-mme pour
conforter un optimisme raisonnable.
L'Histoire
progresse comme le long d'un escalier en colimaon ! Pour le lecteur qui a
empruntŽ celui de la tour de Pise, il n'a pu manquer de constater, en
continuant sa montŽe du c™tŽ o penche la tour, la sensation physiologique de
descendre ! Elle a pu lui procurer un sentiment d'immobilisme ou de pesanteur
dŽsagrŽable. N'en serait-il pas de mme de notre pŽriode actuelle, et du
ch™mage en particulier ? Le progrs se poursuit malgrŽ l'impression nŽgative.
Ce
sujet auquel nous nous sommes attelŽs en compagnie du lecteur depuis
quelque temps maintenant suit Žgalement une ŽlŽvation en colimaon : nous avons
vu les thmes revenir pŽriodiquement. N'acquirent-ils pas plus de lŽgretŽ dans
notre esprit, ˆ mesure que nous nous dŽtachons de leur poids affectif ? De
l'individu emptrŽ dans le ch™mage, dans la premire partie, nous sommes
passŽs, dans la deuxime partie, ˆ l'idŽaliste qui se reconstruisait par la
reconnaissance positive de son travail, puis nous en arrivons ici ˆ envisager
l'action du citoyen-ch™meur libre, ou en voie de le devenir. La pensŽe agit
ainsi.
L'action
la plus fondamentale n'est-elle pas d'tre. ætre tout simplement ch™meur,
pendant le temps que cela dure. Mais l'tre consciemment, dans une attitude de rŽsistance au
fatalisme aussi sereine que possible.
(Comme, par exemple, en se rŽinscrivant avec persŽvŽrance ˆ l'Anpe sur la liste
des ch™meurs, dont on a Žventuellement pu tre rayŽ, puis en redŽposant un
dossier de demande d'allocations auprs des Assedic). Au-delˆ de son travail
automatique, selon les axes vus dans la deuxime partie, ses autres
possibilitŽs d'action volontaire concernent essentiellement ses rapports avec
les personnes rencontrŽes. Par une comprŽhension de l'opinion publique, il peut
aussi voir l'effet de diffusion des initiatives ponctuelles ˆ plus large
Žchelle.
L'objectif
de cette pensŽe aguerrie est de dŽvelopper un sens d'unitŽ, entre ch™meurs et
non-ch™meurs en particulier, afin de mettre fin aux fractures socio-politiques et Žconomiques. Nous allons donc
continuer notre progression sur un tour supŽrieur de la spirale, en nous
penchant ˆ nouveau sur les principaux thmes qui constituent la base
essentielle de la comprŽhension du ch™mage. Les chapitres en sont intitulŽs :
ƒtablir de
justes relations entre ch™meurs et non-ch™meurs
ƒduquer
l'opinion publique
Reconna”tre
le travail du ch™meur sur la civilisation
Stopper
d'urgence l'hŽmorragie des ch™meurs !
Dites-moi
si je vais vivre ?
Cette troisime
partie peut sembler plus thŽorique. Mais elle se rŽvle ˆ l'expŽrience, tout
aussi pratique. Le ch™meur
s'apercevra qu'il a la capacitŽ d'agir, bien plus qu'il ne le croit, par la
pensŽe.
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dŽposŽ.
[1] Dans les dernires annŽes du millŽnaire, la courbe
mensuelle semble osciller entre 20 ˆ 30 % des Franais qui disent avoir un moral plut™t mauvais. (Sondage BVA pour Paris
Match : Le moral des Franais). Mais il y a toujours une marge trs
difficilement cernable entre ce que l'on exprime, et les non-dits. En l'occurrence, bien des personnes peuvent dire
avoir un bon moral pour se rassurer elles-mmes, ou parce qu'elles ne font pas
entrer dans leur champ d'apprŽciation, sur le moment, la prŽoccupation majeure
du ch™mage. Leur moral, dans le fond, n'est peut-tre pas aussi bon qu'elles le
disent.