Chapitre II

 

 

 

 

 

 

ƒDUQUER L'OPINION PUBLIQUE

 

 

 

 

"Ne pas opiner est un des caractres du sage".

Principe de la sagesse sto•cienne.

 

 

 

 

 

L

'opinion pse sur notre conscience et notre humeur comme l'atmosphre sur notre corps, nos Žquilibres physiologiques et notre caractre. C'est dire son importance. Mais c'est aussi souligner la difficultŽ de s'en extraire. Quant ˆ la percevoir, la t‰che est des plus dŽlicate. Cette opinion publique a ŽtŽ notre accompagnatrice tout au long de cette recherche sur les causes du ch™mage. Elle nous a obligŽs, ˆ chaque dŽtour de la pensŽe, ˆ faire un effort de vigilance pour dŽmler le vrai du faux. Par exemple, elle nous a fait voir comment elle colorait les diffŽrentes familles de pensŽe politique au sujet du ch™mage.

Ce chapitre va essayer d'en cerner un peu plus l'expression et le pouvoir conditionnant, ˆ propos du ch™mage. Il s'adresse plus particulirement ˆ tous ceux qui se demandent pourquoi il est si difficile d'expliquer le ch™mage. Ë tous ceux, ch™meurs ou non-ch™meurs qui pressentent que l'opinion est l'avenir de la dŽmocratie, mais aussi que cette opinion a besoin de s'Žduquer.

 

            L'opinion n'a pas de visage. Elle n'est pas la simple somme des opinions individuelles, mais s'en compose. Elle dŽborde souvent le bon sens individuel en lui imposant des conduites sŽparatives ou Žgo•stes. Elle est capricieuse, car soumise aux passions instables, mais en mme temps bien fidle ˆ ses jugements tranchŽs, mme les plus injustes, mme les plus fous. Parfois elle a aussi raison, heureusement, contre les tyrannies de toutes natures. Ne la voyons-nous pas en ce moment s'opposer ˆ la tyrannie du commerce mondial, pour le ramener ˆ de plus justes proportions humaines ? Elle est donc ce mŽlange indissociable de pensŽes et de sentiment qui Ždicte ses croyances dans un mode binaire : vrai ou faux, acceptation ou rejet. Bien qu'elle se sache sujette ˆ l'erreur, comme les tribunaux dit-on, elle ne reconna”t pas facilement ses erreurs.

Par ce mode d'expression en grande partie binaire, nous comprenons bien que l'opinion est l'outil involontaire mais par excellence de n'importe quelle fracture.

Malheur au vaincu.

Le coup de pouce en bas achevait celui qui n'avait pas gagnŽ les faveurs des Romains, lors des jeux du cirque. L'opinion publique moderne est l'hŽritire de ces pratiques, autrefois sanglantes. Aujourd'hui elle sacrifie sans pitiŽ la carrire, l'avenir et l'honneur des individus avec le mme aveuglement passionnel. Ou bien, dans ses moments de grandeur, s'oppose ˆ des injustices trop flagrantes.

Par sa propension ˆ juger, ˆ trancher, et non ˆ s'interroger rationnellement, elle est influencŽe par les modes ; comme l'actuelle, si rŽpandue, de l'esprit vindicatif ou de l'Žconomisme. L'opinion cherche les responsabilitŽs superficielles pour les sanctionner, plut™t que de dŽvelopper un esprit de tolŽrance ferme, de comprŽhension des causes profondes, de solidaritŽ responsable - si ces termes peuvent avoir un sens rŽel tant ils sont dŽvoyŽs par bien des acteurs publics -, dŽbouchant sur une prŽvention explicative, dŽmonstrative, encourageante. Donc exempte de menace !

 

            Par son manque d'esprit critique positif, elle est sujette au doute, ballotte entre les conjectures, et fait cause commune avec l'attitude de suspicion. La civilisation serait-elle en train actuellement de verser dans une prŽsomption de suspicion plut™t que de confiance, comme le faisait remarquer un responsable de l'association "na”tre et vivre", dans un reportage tŽlŽvisŽ trs instructif sur les distorsions de certaines mŽthodes de communication trop Žmotionnelles[1] ?

 

           Cette opinion, si elle n'a pas de visage, montre nŽanmoins le bout de son nez en maintes occasions. Elle est la rumeur qui se propage d'on ne sait o. Elle s'appelle courant d'opinion, culture d'entreprise, petite phrase, ou opinion exprimŽeÉ Elle se grave dans l'Žcrit et l'image, ou se propage avec la parole. Elle dŽbarque un beau matin dans les rues, pour exprimer spontanŽment un mŽcontentement ou un soutien inattendu. Elle est ce casse-tte des politologues lorsqu'elle ne s'exprime pas, reste indŽcise, ne sait pasÉ Ou ne veut pas ?

 

            Elle est cette force incontournable avec laquelle le monde moderne doit de plus en plus compter. Celui ou celle qui voudrait se mesurer avec la force de l'opinion peut faire un test trs simple. Au cours d'une soirŽe entre amis, il suffit d'exposer sans passion, calmement, l'autre thse ˆ propos de Jeanne d'Arc, dŽfendue par un courant d'historiens, non pas "rŽvisionniste" mais simplement insatisfait des ombres de l'histoire et cherchant des explications rationnelles. Cette autre thse, ŽtayŽe dans bon nombre ouvrages[2], expose en particulier que : Jeanne d'Arc n'a pas ŽtŽ bržlŽe sur un bžcher ˆ Rouen, mais a terminŽ ses jours paisiblement au ch‰teau de Jaulny, en Lorraine. Il n'est pas question de prendre parti pour cette thse, contre la thse "officielle" dont on apprend qu'elle fut activŽe ˆ la fin du sicle dernier pour rŽveiller l'ardeur patriotique des Franais. Suite au conseil des Anglais eux-mmes !É L'observateur neutre verra le bouclier dŽfensif de la passion se dresser immŽdiatement face ˆ ces propos iconoclastes. Et il pourra mesurer le poids immense de l'opinion qui empche d'envisager mme momentanŽment cette hypothse, pour en Žtudier rationnellement le bien fondŽ ou l'inexactitude. Il est vrai que l'on touche, avec cet exemple, au trŽfonds de l'‰me d'un peuple et ˆ un de ses mythes les plus obscurs.

 

            L'opinion se manipule du fait mme qu'elle sŽjourne en grande partie dans l'irrationnel, le sentiment. Les moyens sont nombreux. La propagande, la dŽsinformation, la "technique de la vŽritŽ" (dont la partialitŽ mensongre dŽcoule de la fragmentation dans le temps ou l'espace de faits exacts), la publicitŽ, les techniques de vente, les techniques de conviction, les amalgames, les "affaires", etc., sont autant de mŽthodes ma”trisŽes par les professionnels.

Et puis, il y a des influences qui ne sont pas manipulŽes en apparence et qui viennent, encore plus fortement, changer la vision de l'humanitŽ. La SolidaritŽ, la vraie, venant d'une sensibilitŽ non altŽrŽe par l'intŽrt financier ou une recherche de bonne conscience, en est certainement le plus bel exemple contemporain. Des historiens verront peut-tre une parentŽ assez lointaine avec l'esprit des Croisades du moyen ‰ge. Elle apporte un peu plus de mesure et de douceur ˆ l'opinion trop exclusivement matŽrialiste et Žgo•ste, qui ne cesse de juger son prochain. Elle fait voir, au-delˆ de l'immŽdiat consommŽ et dŽjˆ obsolte, l'Espoir d'une permanence de l'esprit.

 

            De quelle importance est cette opinion publique pour le ch™meur ?

            Elle pse nŽgativement sur l'avenir de millions de ch™meurs qui ont peu de chance de retrouver du travail dans les conditions actuelles de blocage de la sociŽtŽ. Elle freine le progrs en donnant son assentiment aux conservatismes, tant administratifs que particuliers. Elle occulte des pans entiers de la vie en se laissant manipuler par les grandes causes humanitaires thŽoriques et les grandes idŽes pseudo-gŽnŽreuses qui cachent les causes non moins grandes et les idŽes tout aussi valables. Seulement, les premires ont beaucoup de partisans aveugles ; les secondes, peu de dŽfenseurs. Cependant, les ch™meurs, ˆ mesure qu'ils deviendront plus conscients de leur r™le historique, grossiront les rangs de ces dŽfenseurs.

 

P

            En comprenant comment fonctionne cette opinion, le ch™meur, ainsi que le non-ch™meur, peut mieux lui rŽsister et ne pas se laisser abattre par son fatalisme. Mieux : en comprenant que le mŽcanisme ŽlŽmentaire qui change patiemment les regards de proche en proche, finit par atteindre une large Žchelle, il peut, ˆ sa dimension individuelle, inflŽchir cette opinion publique. En s'engageant personnellement ; lˆ o il rŽside. Et accessoirement en rejoignant un mouvement associatif adaptŽ.

 

            Le ch™meur intŽressŽ par la connaissance de cette opinion, se pose alors des questions : quelles sont ses facettes actuelles ? Pourquoi doit-elle s'Žmanciper ? Comment le peut-elle ?

 

 

 

LE CHïMAGE EST AU CONFLUENT DE DEUX OPINIONS PUBLIQUES

ouvons-nous d'abord essayer de schŽmatiser ces opinions publiques pour en garder un symbole pratique ? Le graphique suivant va nous y aider. Quelles sont ces deux opinions publiques qui confluent ˆ propos du ch™mage ?

L'opinion des ch™meurs, composŽ de millions d'individus qui n'ont pas bien conscience de leur identitŽ, est peut-tre plus ˆ considŽrer comme un courant souterrain. Il imprgne nŽanmoins de manire forte toute la population. Cette opinion, nous l'avons vu dans la deuxime partie, dŽveloppe un sens d'individualitŽ. Elle est donc plus rŽceptive ˆ l'idŽal vŽritable de la future Civilisation.

 

C'est en dŽgageant les grandes lignes de cet idŽal qu'elle tire en avant toute l'opinion. Cet idŽal peut se dŽfinir en termes : d'une Nation o n'existera plus le sens de l'exclusion, o chacun aura sa place. Une place respectable et respectŽe ; dont l'argent ne sera pas le moyen d'asservissement mais de libertŽ. O le profit aura retrouvŽ son vrai sens de motivation de l'action humaine et non d'Žradication des non-guerriers. Un idŽal, par dŽfinition, est un rve qui n'est pas encore rŽalisŽ. Aussi doit-il faire table rase d'une vue trop rŽaliste et terre-ˆ-terre, qui referme les portes sur la mŽdiocritŽ. N'est-ce pas cet idŽal, imaginŽ de bien d'autres manires encore, auquel aspire l'opinion des ch™meurs ? Ne tente-t-on pas par ailleurs de nous faire croire qu'ils en auraient perdu la vision ? Mais chaque petite pulsion qui ranime cet espoir est lˆ pour faire vibrer l'opinion des ch™meurs qui n'est pas morte. Chaque fois que la cause du ch™mage est dŽfendue, s'exprime, ce rve vit. Et il n'attend sans doute que peu de chose pour s'exprimer plus au grand jour.

 

L'opinion solidaire des non-ch™meurs, elle aussi reprŽsente les millions d'individus prŽoccupŽs par le ch™mage. Sensible ˆ cette condition inhumaine o survivent les ch™meurs, elle fait cause commune, par solidaritŽ. Elle se compose en partie de ceux qui sont directement impliquŽs. Ë ce propos, on estime QU'UN MƒNAGE SUR QUATRE PEUT æTRE TOUCHƒ PAR LE CHïMAGE 3.

L'opinion solidaire, ˆ des degrŽs divers, est tirŽe vers le haut, indirectement ou directement par ce mme idŽal. Cette opinion est encore, bien entendu, tirŽe aussi vers le bas par le pan de son pantalon ou de sa jupe, par l'autre opinion de ceux qui ne pensent qu'ˆ leurs intŽrts. Mais l'idŽal, lorsqu'il est peru au dŽtour d'une catastrophe, ou ressenti lors de l'Žvocation de prŽmices attractives, ne rŽconcilie-t-il pas peu ˆ peu ces opinions publiques ?

 

L'opinion Žgo•ste ne prŽsente pas beaucoup d'intŽrt dans cette Žtude. Il est un peu comme cette gangue qui enserre une pierre prŽcieuse. Sa destinŽe est de s'effriter un jour, lorsque son r™le "d'accoucheur" sera achevŽ. Son pourvoir est considŽrable, aussi les contre-pouvoirs s'y attaquent tout naturellement. C'est le r™le des manifestations, des rŽvolutions et des guerres, d'endiguer les excs les plus flagrants.

Il n'est pas impossible Žgalement que la force de l'autre opinion qui Žvolue vers un idŽal rŽconciliŽ, humaniste, ne finisse pas toucher de sa gr‰ce l'opinion Žgo•ste. Parmi les composantes de cette opinion Žgo•ste, ceux qui sont "occupŽs" du ch™mage - mais seulement par obligation et intŽrt personnel non altruiste - sont peut-tre les plus proches de rentrer dans le courant gŽnŽral rŽconciliŽ. Mais point n'est besoin de se fixer sur cette idŽe, qui peut appara”tre candide et irrŽalisable. Nous finirons bien par voir !É

Il reste encore ˆ comprendre ce qui empche les deux courants positifs de se mler plus intimement. Quels sont les poids qui psent nŽgativement et empchent des engagements plus nets ? Par engagements, il faut entendre en particulier, ceux que cette opinion prend lors des votes, et des consultations partielles ou nationales, officielles ou privŽes.

 

 

 

L'ƒMANCIPATION DE L'OPINION Ë PROPOS DU CHïMAGE

"Un collge de faiseurs d'esprit ne me bernerait pas hors de mon gožt" .

Beaucoup de bruit pour rien. Shakespeare.

 

 

 

L

a signification du titre de ce paragraphe se comprend de deux manires. La premire, suggre que l'opinion sort de son encha”nement aux fausses conceptions sur le ch™mage ; et donc sur l'emploi salariŽ et le travail. La seconde, qu'elle devient de plus en plus adulte. Cette Žmancipation procure une aide prŽcieuse aux gouvernants, privŽs et publics. Car dans la solitude des choix qu'ils ont ˆ faire en permanence, c'est une des voix qui peut inspirer de sages dŽcisions. Ë condition que la voix soit celle du cÏur et de la raison, et non des intŽrts manipulŽs par les groupes de pression. Mais sont-ils nombreux ces dirigeants, politiques ou Žconomiques, qui peuvent rŽpondre ˆ cette opinion en des termes inspirŽs, comme cette cŽlbre phrase historique : "Je vous ai compris" ?

 

            Le regard orientŽ des Franais sur le ch™mage.

            Afin de percevoir un reflet du visage plein d'ombre et de lumire de l'opinion publique, lorsqu'elle considre la question du ch™mage, nous pouvons nous tourner vers les sondages d'opinion. Nous n'allons pas nous y arrter bien longtemps, car on s'y embourbe trs facilement et rapidement. Les instituts de sondages ne sont pas en cause, car leur science est grande en cette matire. Mais nous ne devons jamais perdre de vue que leurs clients ne commandent ces sondages que dans des buts bien prŽcis. Et ces buts ne sont pas philanthropiques, le plus souvent. Aussi introduisent-ils une vision nŽcessairement partielle sur toute question ainsi traitŽe. Le ch™mage n'Žchappe pas ˆ la rgle. Ces sondages[3], par leurs lumires, mais aussi par leurs ombres, lorsqu'on parvient ˆ les percevoir, restent nŽanmoins utiles et instructifs. Nous Žviterons soigneusement l'aspect quantitatif, car la multiplicitŽ des chiffres nuit trs rapidement ˆ la lisibilitŽ, pour les non professionnels que nous sommes en gŽnŽral. Pour concentrer notre attention sur l'aspect qualitatif, celui qui donne non pas la force du nombre, mais l'Žnergie ˆ la raison.

 

            Ces opinions sur le ch™mage sont diversifiŽes, complexes, ŽclatŽes dans diverses sources. Mais les grandes lignes qui surnagent dans la conscience sont vraisemblablement peu nombreuses. L'instant du parti pris lors d'un sondage, ne se dilue-t-il pas dans l'actualitŽ, dont la rŽputation est de chasser trs vite l'information de la veille ? Le fil de ces opinions, au long de ces dernires dŽcennies est un peu comme un serpent de mer. Et des tendances, des modes ressurgissent pŽriodiquement. NŽanmoins, l'Žvolution qui peut appara”tre comme la plus perceptible est la considŽration, encore floue, que le ch™meur doit tre "ŽpargnŽ" dans la tourmente, mais encore sous certaines conditions ; nous y reviendrons trs prŽcisŽment dans le chapitre IV suivant.

Des grands thmes rŽmanents donnent une physionomie, partielle, des attitudes des Franais sur le ch™mage. Ils sont familiers et quelques traits peuvent tre regroupŽs comme suit :

l'inquiŽtude face au ch™mage.

La grande tendance "exprimŽe", en ce passage dans le troisime MillŽnaire, est une certaine remontŽe de l'optimisme sur les deux dernires annŽes du sicle. L'influence des causes n'est pas certaine (reprise Žconomique ? effet irrationnel du passage ˆ l'an 2000 ? chiffres du ch™mage "officiel" en amŽlioration et rŽpŽtŽs ˆ longueur de temps par les mŽdia ?É). Mais l'opinion reste encore ballottŽe. Entre les pessimistes qui pensent que le ch™mage va s'aggraver. Les fatalistes, que le ch™mage se stabilisera (ˆ 2 millions !). Et une frange qui pourrait tre qualifiŽe d'irrŽalistes, jugeant qu'il va baisser sans que des mesures autres soient prises. Et sans doute une autre plus faible, d'optimistes vrais, croyant ˆ une possibilitŽ de baisse, si des changements vŽritablement rŽvolutionnaires sont mis en Ïuvre.

Les causes du ch™mage

Nous ne serons pas surpris d'y rencontrer, ˆ la place de choix, les causes Žconomiques. Elles sont toujours vues comme plus ou moins mŽcanistes. L'opinion cherche aussi des boucs Žmissaires : dans l'attitude des patrons, des politiques, de l'administration, des syndicats, des salariŽs, des ch™meursÉ En sommes : tout le monde est responsable, sans que chacun ne se sente entirement partie prenante du drame collectif. On est encore loin de l'adage : "le ch™mage est l'affaire de chacun" !

 

les solutions au ch™mage.

Elles apparaissent souvent comme la batterie de "solutions Žconomiques miracles".

L'allgement des charges sociales sur les bas salaires est une mesure souvent avancŽe.

Les 35 heures ont ŽtŽ la solution controversŽe par excellence, qui a occupŽ l'opinion ces deux dernires annŽes du millŽnaire.

La formation est aussi une solution favorite. L'opinion n'a certainement pas une juste connaissance de son contenu, tant il est protŽiforme. Etc.

 

l'indemnisation du ch™mage & la solidaritŽ.

La perception de l'opinion ne sort pas des ornires traditionnelles d'une conception minimaliste de cette indemnitŽ, et les conditions de son attribution sont trs autoritaires.

Nous y reviendrons.

 

les risques du ch™mage.

Conflagration sociale. Fracture. En 1998, cette apprŽhension Žtait, semble-t-il plus forte que l'annŽe suivante. Mais cela signifie-t-il quelque chose ? En mai 1968, l'explosion a ŽtŽ brutale et non prŽvue. Peut-tre est-ce le souvenir de cette pŽriode particulire qui reste gravŽe dans la mŽmoire collective, et nourrit cette apprŽhension. Plus que la perception irrationnelle d'une rŽelle explosion. On voit lˆ l'intŽrt limitŽ de certaines questions posŽes aux sondŽs.

Nous pouvons nŽanmoins nous rappeler le chapitre o il Žtait question d'un rŽservoir d'Žnergie, comme une bouteille de Leyde, dans lequel toutes les douleurs et les frustrations d'un peuple s'accumulent. Et sans tre soumis ˆ la crainte de l'explosion sociale, ne pouvons-nous considŽrer que les rŽformes peuvent tre entreprises dans la rŽconciliation ?

 

la confrontation personnelle avec le ch™mage.

L'attitude des Franais est souvent indistinctement celle des trois opinions mŽlangŽes, dŽfinis prŽcŽdemment : ch™meurs, solidaire et Žgo•ste. Cependant, lorsqu'il est question de leur expŽrience propre du ch™mage, cette attitude devient plus spŽcifiquement l'opinion des ch™meurs. Parmi les thmes abordŽs par cette opinion citons : l'impact sur la vie familiale[4], la capacitŽ de revendication et de protestation, l'estimation des responsabilitŽs dans le ch™mage, le fait que les acteurs socioprofessionnels sont ˆ l'Žcoute ou non des problmes des ch™meurs, le sentiment de responsabilitŽ personnelle du fait d'tre ch™meur, etc. Mais cette opinion qui ne s'exprime pas trs fortement, ne semble pas tre bien ŽvaluŽe par les Franais. Elle est noyŽe dans la masse. Ne parlons pas des enqutes obligatoires, faites par les Anpe, qui donnent l'impression de s'Žvaporer dans la nature, et dont la validitŽ est en partie entachŽe par cet aspect obligatoire et nominatif.

Une note[5] donne quelques dŽtails subsidiaires sur les thmes rencontrŽs dans les sondages. Nous pouvons entendre les Žchos de ces thmes, par moments, parfois espacŽs, dans la presse, ˆ la radio ou la tŽlŽvision. Qui y prte vŽritablement attention ? Qui sait, par exemple, que le Ministre du TravailÉ suit chaque annŽe l'Žvolution de cette opinion des Franais sur le ch™mage ? Qui cherche ˆ percer les ombres, derrire ces paramtres traditionnels du ch™mage exposŽs sous les feux des projecteurs de l'actualitŽ Žvanescente ?

Esquisses de transformations, dans l'ombre de l'opinion.

Les sondages doivent se lire aussi dans les ombres et les absences qu'ils reclent. Lorsqu'une question n'est pas traitŽe, elle n'est pas pour cela absente de la conscience de l'opinion, ou de sa frange subconsciente. Simplement, celui qui commande le sondage ne l'a pas ressenti ; ou, pour diverses raisons, ne veut pas qu'il en soit question. Sans pouvoir traiter de tous ces traits encore dans l'ombre du visage de l'opinion, nous pouvons nous arrter, ˆ titre d'exercice, sur les quelques points suivants.

Vision Žconomique et vision humaniste.

Une Žtude comme celle qui traite de l'influence du ch™mage sur la famille est instructive. 3 Au-delˆ des divers aspects analysŽs, qui ne nous apprendront rien de plus que ce que nous savons, le fait de s'attacher ˆ la famille met en valeur implicitement un point essentiel : la nŽcessitŽ de ne plus considŽrer le ch™mage comme une donnŽe simplement Žconomique et le ch™meur comme une entitŽ atomisŽe et numŽrique (le rapport aussi le souligne explicitement d'ailleurs). Elle ouvre une brche dans la pensŽe matŽrialiste pour tenter de lui faire rejoindre la pensŽe humaniste, complŽmentaire. Cette Žtude n'aurait pas retenu l'attention des pouvoirs publics en 1999, dit-on. Mais mme si elle n'est pas encore ˆ l'ordre du jour, elle marque nŽanmoins de sa trace encore ombrŽe, une tendance positive perue plus particulirement par les scientifiques qui ont rŽalisŽ le travail.

 

Formation ou besoin plus secret ?

On peut s'interroger sur le sens profond de la formation. Volumineux dŽbat ! Chacun sait qu'il existe une formation-repoussoir qui sert ˆ allŽger les statistiques du ch™mage. Que parmi ces formations, certaines sont vŽritablement utiles et dŽbouchent sur une carrire. Mais qu'il y en a d'autres plus floues. Certaines mme, totalement stŽriles et "rŽgressives". Comme cela peut existe d'ailleurs dans la formation continue au sein des entreprises (bien que les responsables veillent ˆ l'utilitŽ directe des opŽrations de formation pour l'entreprise).

Alors, la question est de savoir : pourquoi ce concept de formation se dŽveloppe ? Et trouve mme de nouvelles modalitŽs, comme cette formation tout au long de la vie ? Il remplace d'une certaine manire l'ancien congŽ sabbatique, mal vu, il faut bien l'avouer, par l'entrepriseÉ et mme l'opinion ! Ne touchons-nous pas lˆ ˆ ce mme tabou du repos ? Du ch™mage ? De l'activitŽ physique obligatoire, sans laquelle il n'y a point de salut ni de merci ? La formation ne serait-elle pas en partie ce paravent, cet alibi qui permet de faire une pause, sans braver l'opinion publique, au labeur ? Sans nier bien Žvidemment la nŽcessitŽ de maintenir ses connaissances ˆ flot dans ce monde moderne si rapide. Si la formation est utile, nŽcessaire mme, elle ne doit pas occulter d'autres besoins fondamentaux pour l'individu. Dont celui que l'on pourrait qualifier de : se ressourcer, faute d'un terme encore inexistant ; puisque l'opinion Žprouve de la rŽpulsion pour le mot ch™mage.

 

Bien d'autres ombres, parfois effleurŽes par les anciens sondages, puis oubliŽes, doivent tre recherchŽes par le lecteur lorsque para”t une nouvelle enqute. On peut entre autres se demander ce que signifie pour le citoyen la notion de "correcte", lorsqu'il est question de qualifier l'allocation ch™mage. Ou pourquoi toutes les mesures d'aide et de rŽinsertion sont jugŽes comme des pis-aller provisoires ; alors que le ch™mage devient une condition durable ? Pourquoi ce paradoxe ne leur inspire rien de plus, ni rien de neuf ? Pourquoi les Franais sont partagŽs, ambivalents, quant aux orientations politiques et aux mesures contre le ch™mageÉ mais ne remettent jamais en question les analyses sur les causes Žconomiques ?

 

Les grandes idŽes porteuses de transformation, que l'opinion peut exprimer dans ses moments d'inspiration, vont bien au-delˆ de sa capacitŽ ˆ s'indigner, ˆ moraliser la vie publique, ˆ dŽfendre le faible et l'opprimŽ, ˆ s'opposer ˆ la froideur des comportements asservissant des puissants. Elles se discernent, lorsque les opinions parviennent ˆ s'unir sur un idŽal non exclusif des uns ou des autres. On les attend encore ˆ propos du ch™mage !

Tous les traits dans l'ombre permettent ainsi de mieux complŽter la physionomie de l'opinion publique au sujet du ch™mage. Et chacun peut interroger lui-mme ˆ loisir le visage Žnigmatique du sphinxÉ

 

            L'opinion apprend aussi.

L'opinion reflte la sociŽtŽ. Elle est fracturŽe ˆ son image. Elle Žvolue donc par cette succession de phases de clivage des individus et de phases paradoxales des idŽes, puis de rŽsolution des paradoxes. Les opinions se dandinent sous l'effet des sentiments sŽparatifs, coupables, vindicatifs, etc. Puis finissent un beau jour par dŽgager un idŽal moral (rarement Žthique) de cette gangue d'illusions.

Illustrons ces phases par de courts exemples rencontrŽs dans les sondages d'opinions.

- Phase de clivage[6]. L'opinion de non-ch™meurs :"C'est la faute des ch™meurs qui ne font rien pour s'en sortir" ; s'oppose entre autres ˆ l'opinion de ch™meurs : "C'est la faute des patrons et des politiques qui n'ont pas su prŽvenir la crise".

- Phase paradoxale. Elle montre par exemple un large consensus de l'opinion pour continuer ˆ indemniser les ch™meurs ; mais en sous-Žvaluant la rŽalitŽ quantitative et qualitative de cette indemnisation, qui laisse beaucoup d'individus en rade.

Ou bien : adhŽsion aux 35 heures, mais scepticisme ˆ propos de son effet sur la diminution du ch™mage.

- Phase de rŽsolution. L'opinion s'accorde pour admettre la responsabilitŽ partagŽe entre la droite, la gauche, le patronat et les syndicats, dans la crise du ch™mage. [7]

L'opinion s'accorde Žgalement pour dŽvelopper la formation encore plus dans l'avenir.

           

Nous pouvons discerner au travers de ces exemples que l'opinion publique Žvolue ainsi lentement par le mŽcanisme de clivage.

Le mange des influences rŽciproques.

L'individu compose l'opinionÉ L'opinion est sondŽe partiellement par le clientÉ Le client rŽagit ˆ l'opinionÉ La publication du sondage dŽsoriente l'opinionÉ Puis l'opinion finit par peser partialement sur l'individu. Le cercle vicieux est ainsi bouclŽ.

Le qualificatif de vicieux n'est pas un jugement de valeur, mais indique simplement le caractre potentiellement trompeur des sondages qui renvoient les balles ˆ l'envoyeur, sans qu'on ne sache plus trs bien qui, du sondŽ ou du sondeur, est ˆ l'origine. La sortie du labyrinthe se trouve donc plus difficile ˆ percevoir.

 

            L'Žtude des mŽthodes d'influence de l'opinion publique sort du champ de notre sujet. Le ch™meur n'y a pas accs, faute de moyens financiers. Mais il a d'autres moyen, ˆ sa mesure individuelle.

            La premire des mŽthodes pour influencer l'opinion est celle qui paradoxalement permet de se dŽgager de l'influence de ces sondages. C'est donc celle d'un refus vigilant. Plus les individus s'en rendront ma”tres, plus l'opinion passera d'une attitude passive et Žmotionnelle, ˆ une attitude volontaire et rŽflŽchie.

Ne revenons pas sur la deuxime ; nous avons dŽjˆ parlŽ : c'est la diffusion de proche en proche.

 

Le citoyen est sous l'effet hypnotique de l'opinion, dit-on. Si l'idŽe est admise communŽment, il demeure nŽanmoins trs difficile de s'en rendre compte de manire pratique, lorsque l'hypnose nous envahit.

Prenons un exemple gŽographiquement et culturellement ŽloignŽ de nous. Il nous fera peut-tre mieux percevoir cette influence. Le thme est indirectement reliŽ ˆ notre sujet, puisqu'il s'agit du marxisme. Il doit y avoir plus de cinq ans, aux Indes, le Dala•-lama Žtait interrogŽ par un journaliste occidental. Ë un moment, croyant sans doute avoir un alliŽ inconditionnel du capitalisme, compte tenu des atrocitŽs perpŽtrŽes au Tibet, le journaliste essaya de faire condamner le marxisme par son illustre interlocuteur. Il tenta vainement de lui faire critiquer cette idŽologie. Mais, avec un sourire amusŽ, le prix Nobel de la Paix lui rŽpondit finalement par quelques mots discrets : il y a aussi des bonnes choses dans le marxismeÉ L'interview se tarit immŽdiatement sur ce sujet !É

Fin 1999, un enseignant de l'ex-Allemagne de l'Est, favorable ˆ la rŽunification, avouait lors d'une interview trouver des idŽes encore utiles dans les thŽories de Marx. Mais, ajoutait-il, il en parlait ˆ ses Žtudiants sans citer l'auteur, car l'opinion allemande Žtait encore trop braquŽe.

Nous entendons au travers de ces deux exemples que l'opinion trop schŽmatique et manichŽenne coupe certains individus d'une part de la rŽalitŽ. Pourtant, journalistes et Žtudiants devraient tre aguerris contre cette contagion subversive des opinions ! Les deux tŽmoins vigilants, en revanche, exeraient leur pensŽe libre et tolŽrante et ne peuvent tre souponnŽs de complicitŽ avec ce que le capitalisme occidental considre comme l'ennemi suprme. Ils savent rester des observateurs indŽpendants des idŽes toutes faites.

C'est toujours cette manire binaire de trancher qui conduit les uns et les autres ˆ se placer dans des camps radicalement opposŽs. Elle dŽteint finalement sur la fracture nationale. Et finit par constituer des fractures entre des Nations.

 

Si de telles influences se discernent chez les autres, elles existent par essence ˆ propos de tous les sujets nous concernant. Le ch™mage a aussi son lot d'influences. Nous pouvons extrapoler ˆ nous-mmes ce mme risque de nous faire prendre par le nuage dense des fausses idŽes ˆ propos du ch™mage. Mais ce n'est pas le fait de monter du doigt ces filtres qui les ™te de notre vue. Un effort personnel est toujours nŽcessaire. Personne ne peut faire ce travail pour nous. On peut juste nous indiquer une direction ˆ emprunter. Nous reviendrons dans les chapitres suivant sur le poids de l'opinion ˆ propos de ces idŽes et de celle concernant tout particulirement la fiscalitŽ, au sens large.

 

            Cette opinion Žvolue petit ˆ petit. Les auteurs qui l'Žtudient parlent de l'age de l'opinion, ou des foules. Nous y avons fait allusion plus haut, ˆ propos de l'Žtude de l'influence du ch™mage sur la famille. Mais on peut se demander si elle n'Žvolue pas Žgalement par sauts brusques dans le temps. Et si les sondages sont rŽellement aptes ˆ percevoir les prŽmices de ces progrs historiques. Cette rŽflexion peut ouvrir une porte sur l'espoir, ˆ tous les ch™meurs qui doutent que l'opinion ne les reconnaisse un jour. Elle rejoint un chapitre prŽcŽdent, sur le temps qui appartient aux ch™meurs.

 

Se dŽptrer des sondages.

Il y a toujours une part de vŽritŽ dans un sondage. Certaines idŽes fortes refltent, au cours des dŽcennies, une attitude juste de l'opinion lorsque celle-ci parvient ˆ dŽpasser son Žgo•sme innŽ et fait fleurir une sensibilitŽ altruiste, et un sens du bien commun. Mais cette vŽritŽ doit tre parfois cherchŽe profondŽment, sous un tombereau d'inexactitudes, de mensonges et de faux-semblants.

Pour se dŽgager de l'influence des sondages, par un refus vigilant, le ch™meur a dŽjˆ pris de l'avance. DŽmystifiŽ par les promesses non tenues et les espoirs dŽus, il est insensible ˆ certains aspects de l'opinion concernant plus particulirement l'emploi. Mais sur sa propre condition de ch™meurs, les idŽes ne sont pas nŽcessairement aussi claires.

 

Les mŽthodes qui influencent l'opinion sont nombreuses. Mais c'est avant tout l'altŽration artificielle introduite par les sondages eux-mmes qui influe nŽgativement sur l'opinion (les scientifiques parleraient d'artŽfact) :

- En Žparpillant les opinions, dans la multiplicitŽ des questions-rŽponses, le sondage joue en partie le jeu dŽmocratique, mais joue aussi le jeu de la division, pour que quelques-uns puissent mieux rŽgner.

- En jouant subtilement de la corde sensible, mme involontairement, les thmes investiguŽs conditionnent, car ils agissent trop souvent sur l'Žgo•sme, la culpabilitŽ, la jalousie, le sentiment d'infŽrioritŽ, etc. Par manque d'explications prŽalables.

Exemple : l'utilisation du terme de "privilge", ˆ propos des causes du ch™mage, fait perdre de vue que nous souhaitons tous tre des individus d'exception, "privilŽgiŽs". (Il y a pourtant lˆ une source de motivation qui peut profiter ˆ tous, si le privilge est accessible ˆ chacun faisant les efforts suffisants).

Exemple : l'appel aux pulsions et non ˆ la rŽflexion raisonnŽe se cache derrire toute flatterie telle que : "l'opinion est adulte et sait faire le bon choix". Comment cela pourrait-il tre possible, si l'opinion n'est pas informŽe ? Or la prŽcipitation de l'information est l'obstacle mme de l'information ! Elle ne nourrit que l'Žmotion. Et l'on ne fait rien de durable dans cet Žtat par dŽfinition instable. Tout cela est une Žvidence intellectuelle, non une rŽalitŽ de notre temps. Finalement, l'opinion pressŽe de choisir dira toujours : Entre les deux, mon cÏur balance.

- En offrant des faux choix, en entonnoir, la capacitŽ crŽative est empchŽe.

Par exemple, lorsqu'un sondage demande au sondŽ de choisir entre : une augmentation des imp™ts, une augmentation de la cotisation des employeurs et des salariŽs, ou la diminution des indemnitŽs aux ch™meurs, aucune part n'est laissŽe ˆ d'autres hypothse (comme par exemple une transformation de tout le systme administratif,É).

- En "enkystant" les positions. Autrement dit : chacun veut voir midi ˆ sa porte, en lisant un sondage. Les partisans des courants minoritaires, parce qu'ils se rŽjouissent d'une Žvolution favorable ; les tenants de l'opinion majoritaire, parce qu'ils se sentent rassurŽs sur leur "bon droit". Mais o se situe la vŽritŽ, s'il y a exclusion ?É

- En renforant, par effet de masse, l'idŽe fausse que le problme trouve sa solution dans son simple ŽnoncŽe. Sans regarder suffisamment les mobiles sous-jacents. Ce point est peut-tre plus difficile ˆ comprendre.

 

Si le lecteur d'un sondage veut avancer et s'en dŽptrer davantage, il lui est peut-tre utile de rŽflŽchir aux mobiles sous-jacents de tous ceux qui sont concernŽs par l'opinion : les mobiles des clients ou acheteurs du sondage, mais aussi des sondŽs eux-mmes. Ces mobiles se dissimulent derrire chacune des questions posŽes, chacune des rŽponsesÉ Et toute rŽponse n'est pas ˆ prendre comme argent comptant ! Mais comment comprendre les mobiles ? Comment se rapprocher du vŽritable sens des rŽponses ? Sans doute en Žtant ˆ l'Žcoute du cÏur palpitant de l'opinion, sans a priori. Difficile !É Et en comprenant que l'interprŽtation raisonnŽe des chiffres ne permet d'apercevoir que la surface de l'opinion.

 

Si les motivations des clients dŽpendent d'intŽrts tactiques et politiques, ou idŽologiques, les motivations des sondŽs ne sont pas innocentes non plus.

Et il est important d'en tenir compte. Car les motivations des sondŽs peuvent fausser Žventuellement le vrai fond de l'opinion, celle qui se tait. En effet, notre sociŽtŽ de plus en plus mŽdiatisŽe permet ˆ beaucoup d'individus de s'exprimer, en apparence ; ce qui en frustre un nombre bien plus considŽrable encore qui ne peuvent rien dire. Le besoin de s'exprimer devient une sorte d'autodŽfense face ˆ la prolifŽration d'avis qui fusent ˆ tout bout de champs. On peut observer cette surenchre de la parole, par exemple sur Internet, dans les groupes de "tchatche", ou ˆ la radio et ˆ la tŽlŽvision [8]. Dans cette confusion du verbe, un peu comme dans ces films de certains cinŽastes italiens o la parole est toujours lˆ, en bruit de fond, sans rien signifier de prŽcis, le citoyen ne se sent-il pas noyŽ ? Quant au ch™meur, n'en parlons pas !

Ce tumulte de mots est comme une menace de mort pour l'ego. Afin de se dŽfendre, l'individu est donc poussŽ ˆ surajouter ses propres mots. Et pour mieux se faire entendre, ˆ devenir toujours plus agressif ou plus acerbe.

De plus, poussŽs par l'ambition sociale et matŽrielle, les individus ressentent Žgalement le besoin d'avoir le support verbal pour s'affirmer. Mais comme tout le monde parle, sans s'Žcouter d'ailleurs, cette ambition est frustrŽe.

 

Lorsque l'occasion est offerte ˆ l'individu de s'exprimer dans un sondage, ne libre-t-il pas cette parole trop longtemps retenue ? Avec le sentiment de pouvoir faire changer les choses. Tout en sachant intuitivement et paradoxalement qu'il peut tre dans l'erreur, si son jugement n'est pas rigoureusement ŽtayŽ au prŽalable et passŽ au crible de l'expŽrience. Cette incertitude est le fondement de toute opinion. Elle obscurcit donc tout sondage.

Nos sociŽtŽs n'ont pas encore compris que le silence a parfois plus de valeur que la paroleÉ En comprenant pourquoi nous rŽpondons ˆ un sondage, nous sommes plus en mesure de le faire ˆ bon escient. Ou de nous taire.

 

            Paralllement aux motivations gŽnŽrales concernant les sondages, il convient de tenir compte de celles sur le sujet du ch™mage. Nous avons largement dŽtaillŽ les deux mobiles-clŽs des ch™meurs et des non-ch™meurs : le besoin de valorisation et le besoin inconscient d'une dŽculpabilisation. Ils compltent ce tableau des motivations essentielles des sondŽs.

 

Nous pouvons aussi, pour fixer ce tableau, nous reprŽsenter les jugements et avis de cette opinion comme un iceberg, o les causes profondes du phŽnomne ch™mage, c'est-ˆ-dire celles qui empchent la satisfaction des besoins des tres, sont en dessous du niveau de visibilitŽ. Le schŽma ci-aprs nous permettra de mieux nous rappeler, une fois la lecture terminŽe, qu'il est des profondeurs de l'ocŽan de cette opinion qu'il serait souhaitable de mieux observerÉ Pour que le paquebot France ne suive pas le destin d'un autre cŽlbre navire, pourrions-nous penser avec humour !

 

La formulation des questions posŽes influe de manire parfois spectaculaire sur les rŽsultats, allant jusqu'ˆ inverser compltement les tendances.[9] Comme diffŽrentes formulations qui permettraient un contr™le, ne sont pas toujours prŽsentes dans les questionnaires, l'Žtude des questions est primordiale pour comprendre un sondage. La comprŽhension des motivations sous-tendues dans chaque question permet d'en faire subodorer la plus ou moins grande prŽcision ; ou le leurre qui masque la vŽritŽ. Nous verrons un cas pratique ˆ ce sujet, dans le chapitre IV suivant.É/É

 

 

É/É


 

L'antidote de la pensŽe.

En plus de la comprŽhension des motivations, lorsque nous lisons un sondage, quelques pensŽes de bon sens peuvent agir comme un antidote aux illusions. En voici quelques-unes :

- Les sondages et l'opinion se sont souvent trompŽs dans l'histoire.

- Les sondages ne refltent pas tout ce que l'opinion pressent.

- Les sondages rab‰chent autant de justes faits que de fausses certitudes.

- Le degrŽ d'objectivitŽ des sondages dŽcoule des prŽoccupations du client.

- La lumire portŽe sur les thmes abordŽs, en laisse beaucoup dans l'ombre.

- Le sondage conforte autant les certitudes de la minoritŽ que de la majoritŽ.

- Le juste milieu n'est pas nŽcessairement du c™tŽ du consensus de la majoritŽ.

- Nous sommes tous menacŽs d'hypnose par chaque sondage.

- Les sondages affolent, dŽsesprent ou rŽconfortent, sur les effetsÉ

- É Mais les sondages Žclairent mal les causes.

- Les sondages sont utiles, comme les bornes le long d'une route accidentŽe !É

-É Mais les sondages ne dispensent pas de tenir le volant.

- La difficultŽ d'interprŽtation d'un sondage limite sa portŽe rŽelle.

- Le sondage est utilisŽs trop souvent comme un spectacle, pour "amuser la galerie".

- Les sondages clivent l'opinion en abusant de la "segmentation en sous-population".

 

            Ce bref regard sur les sondages avait pour but d'Žveiller notre attention. Tout le travail de la pensŽe, tel qu'il est envisagŽ dans cette troisime partie, ne peut se faire avec succs que si nous ne nous laissons pas imposer les jugements, encore trop chargŽs d'Žmotion, de l'opinion publique. Le citoyen qui a pris ses distances vis-ˆ-vis des sondages veut parfois aller plus loin dans l'action. RŽflŽchissons comment il le peut.

 

 

ET SI L'OPINION FAISAIT AUSSI LA GRéVE ?

 

Ne pas opiner est une forme de rŽsistance

qui force l'opinion ˆ s'Žlever.

 

U

n autre moyen de rŽsistance aux distorsions crŽŽes par les sondages sur l'opinion, est de dire tout simplement : NON !É Comment ? En usant d'une possibilitŽ prŽsente dans tout sondage qui se respecte : ne pas vouloir rŽpondre, ne pas savoir, tre sans opinion. Les cases ˆ cet effet existent : NVPR, NSP, SOÉ C'est tout !

            Si les motivations qui poussent ˆ rŽpondre sont bien ma”trisŽes, il est alors possible de considŽrer cet acte de non-rŽponse comme une rŽsistance non-violente. Bien sžr, de savantes interprŽtations permettent de faire "parler" ces abstentionnistes ou ces sondŽs qui ne savent pas rŽpondre. Habituellement, pour des questions faciles et gŽnŽrales, le taux de non-rŽponse ne dŽpasse pas quelques pour cent. Il monte au tiers, et mme plus, si le sujet est technique. Et ces pourcentages sont redistribuŽs selon des techniques prŽcises.

NŽanmoins, un taux inhabituel de non-rŽponses, sur une pŽriode assez longue, permet d'adresser un message fort ˆ ceux qui commandent ces sondages. De mme que si un grand nombre de tŽlŽspectateurs Žteint son poste, en rŽsistance ˆ une Žmission donnŽe, la baisse d'ŽlectricitŽ est notŽe par l'EDF.

Le fait de ne plus vouloir jouer le jeu binaire des sondages, Žbranle la dialectique des apparences, et calme les agitations stŽriles de la pensŽe. Tant que nous restons dans la course du oui ou du non en revanche, les manipulateurs continuent ˆ en tirer profit. Lorsque le jeu cesse, le profit n'est plus possible. N'est-ce pas d'ailleurs le mme phŽnomne qui se dŽroule avec le ch™mage, vis-ˆ-vis de l'Žconomie ?

Cette forme d'action n'est pas encore entrŽe dans les mÏurs de nos civilisations. Mais rien ne dit qu'elle ne peut voir le jour. Comme toute grande manifestation de rue, spontanŽe, de l'opinion, lors des grands tournants de l'Histoire. Nous avons aussi parlŽ prŽcŽdemment du mouvement consumŽriste, ou de la dŽmocratie des investisseurs particuliers : cette grve des sondages ne pourrait-elle pas en tre une autre forme ?

Par cet acte de refus, de non-collaboration passive, le sondŽ peut pousser les responsables ˆ poser d'autres questions : celles que l'on ne veut habituellement pas poser, parce qu'elles embarrassent.

 

            La grve peut aussi tre "perlŽe". Seuls les faux choix, les fausses prioritŽs sont alors concernŽs par cet acte de rŽsistance. Expliquons ce point plus complexe.

Par exemple, les politiques qui cherchent ˆ identifier les courants porteurs de l'opinion, pour dŽfinir leurs actions ou leur plate-forme Žlectorale, vont l'interroger sur un certain nombre de thmes. Le tableau ci-dessous en Žnumre les plus frŽquents.

 

Mais l'opinion, gŽnŽreuse, spontanŽe, rŽpond en fonction de sa sensibilitŽ non rŽflŽchie. Les thmes au sommet du palmars sont rŽgulirement : la lutte contre le ch™mage (et la lutte contre la violence), ainsi que quelques autres thmes, parfois trs conjoncturels. Puis viennent une ribambelle d'autres sujets que divers courants de l'opinion voudraient voir rŽsolus. Mais en donnant en quelque sorte un blanc sein aux responsables politiques pour traiter en prioritŽ le ch™mage, par cette prioritŽ vraie ˆ propos de l'effet, mais aveugle sur les causes, les vŽritables solutions sont indŽfiniment ŽcartŽes. Le tableau, ˆ simple titre d'illustration, montre comment inverser les prioritŽs en ne rŽpondant pas aux "fausses" questions. Le ch™mage vient alorsÉ en dernier. La vraie prioritŽ est de traiter les causes profondes qui minent le moral des Franais. La rŽsolution du ch™mage en dŽcoule naturellement ! Du moins est-ce lˆ une possibilitŽ d'action persŽvŽrante sur les sondages.

 

 

 

 

Aurions-nous perdu notre ‰me d'enfant ?

Ë en juger par les sondages[10], les hŽros favoris des jeunes se nomment AstŽrix, tintin, christophe colomb, jeanne d'arcÉVoici de beaux symboles de rŽsistants, d'explorateurs, d'investigateurs !É L'opinion publique qui est dans sa phase d'adolescence ne devrait-elle pas se reconna”tre dans ces hŽros ? Ne cherche-t-elle pas d'ailleurs ˆ se libŽrer de l'Ancien monde, pour explorer la nouvelle Civilisation ? Si tel est le cas, il lui faut indiscutablement cultiver les mmes attitudes que ses hŽros, sans prŽjugŽ.

 

Par une sur-utilisation des clivages Žmotionnels, l'opinion ne sous-utilise-t-elle pas la dynamique crŽative ? Les solutions au ch™mage, nous l'avons vu, tourment essentiellement dans le champ clos de l'Žconomie. La disparition du ch™mage dans l'avenir n'est pas vue en termes de crŽativitŽ, mais de pessimisme, c'est-ˆ-dire d'humeur du moment ! Quant aux solutions aux conflits du travail, ils s'Žpuisent sur le terrain de la compŽtitivitŽ, en oubliant les diffŽrents sens du Jeu, comme facteur de productivitŽ harmonieuse. ObnubilŽe par les jeux d'Antagonisme, o il y a toujours un perdant, l'opinion oublie qu'il en existe d'autres : les jeux de Hasard, qui redonnent de nouvelles chances en permanence ˆ tous ; les jeux DŽdramatisŽs comme au thŽ‰tre, qui Žvacuent la peur ; les jeux d'Exaltation, qui permettent de se surpasser, mais sans Žcraser l'autre. Nous ne pouvons dŽvelopper ces thmes ludiques, qui concernent plus le management en entreprise. Mais notons que le concept de jeu se rattache bien ˆ celui d'acteurs socioŽconomiques, dont les responsables ne cessent de parler. Tout en en oubliant paradoxalement que la vertu premire du libre jeu de l'esprit est d'tre le meilleur antidote de la peur ! Mais jouer dans les entreprises, cela ne fait pas sŽrieux

La crŽativitŽ, c'est aussi l'art d'inverser les prioritŽs, comme ˆ propos de l'exemple ci-dessus. L'art de voir derrire l'ombre dense des fausses certitudes, et de ne pas se contenter de l'Žvidence. L'art d'aimer toujours et partout la recherche la VŽritŽ dans les vŽritŽs relativesÉ

 

L'opinion publique peut exercer son droit dŽmocratique : de guide de ceux qui nous dirigent et conduisent l'Žconomie. Cela est possible si, tout en conservant son ‰me innocente, elle s'Žduque, s'informe toujours mieux, se stabilise, parfois en utilisant son droit au silence. Si elle discerne entre les choix possibles : ce qui est bon dans la pratique et non dans la thŽorie. La dŽsagrŽgation des partis politiques, par le mme effet de clivage des courants internes de leurs opinions respectives, n'offrent-elle pas cette opportunitŽ ˆ l'opinion tout entire, de devenir libre ?É

L'opinion est un contre-pouvoir qui demande ˆ grandir, sans savoir toujours trs bien comment. C'est peut-tre en se dŽveloppant dans certaines directions qu'elle peut acquŽrir cette majoritŽ. En particulier :

- Par une notion des actions prŽventives plut™t que curatives. ƒvitant par exemple de traiter le cas des sans domicile fixe dans l'extrme urgence.

- En soutenant moins les idŽologies sŽparatives et plus les idŽalismes crŽatifs. Comme par exemple : la libertŽ de l'individu ; plus que la libertŽ thŽorique Žgalitariste qui dŽbouche sur la rŽglementation contraignante et inutile des actes de notre vie.

- En regardant plus du c™tŽ des causes, et moins de celui des effetsÉ

Le cercle vicieux des sondages d'opinion doit tre ouvert, pour permettre d'en sortir.

 

C'est-ˆ-dire que les individus, plus ŽduquŽs et plus conscients des choix profonds, peuvent orienter cette opinion, lui donner plus de rŽflexion, l'Žduquer ˆ son tour, de proche en proche. Ce processus se dŽroule en fait, de lui-mme, ˆ partir du simple travail de rŽsistance vigilante de l'individu, et contrebalance les multiples tentatives de manipulation irrationnelle de l'opinion.

Informer l'opinion, ce n'est pas lui renvoyant en miroir ses sempiternels jugements de valeurs, ses plaintes et ses craintes, mais c'est l'Žclairer sur le pourquoi de ses propres paradoxes, de ses propres idŽaux ŽtouffŽs par l'aviditŽ et l'Žgo•sme. Informer l'opinion a ŽtŽ de tout temps la prŽoccupation des individus aspirant ˆ une ƒthique. La dŽmarche des EncyclopŽdistes a apportŽ la lumire ˆ une civilisation superstitieuse, il n'y a pas si longtemps. La dŽmarche scientifique qui Žtudie les motivations donnera certainement ˆ la culture de la communication, Žgalement un Žclairage qui libŽrera le citoyen de l'opinion.

Ce pouvoir de l'opinion composŽe d'individus plus libres, en grandissant, ne peut que mieux aider les acteurs politiques, sociaux et Žconomiques ˆ accomplir les rŽvolutions en permettant qu'elles se dŽroulent dans un climat de paix.

 

Le ch™meur, par l'intŽrt portŽ ˆ cette opinion, peut aussi lui donner un coup de main. Si le ch™meur et le non-ch™meur comprennent ce dont l'opinion ˆ besoin, ils peuvent ainsi rŽaliser le deuxime acte d'engagement volontaire.

Ce chapitre trouvera son prolongement naturel dans le chapitre IV suivant : Stopper d'urgence l'hŽmorragie des ch™meurs ! Mais avant, envisageons vingt idŽes claires qui changent le regard sur le ch™mage.


 

<< RETOUR AU PLAN           SUITE P3CH3 >>

 

© Copyright 2000-2005 Richard AndrŽ - Document dŽposŽ.

 


[1] (Daniel Montagnon, de l'association "na”tre et vivre", lors de l'Žmission tŽlŽvisŽe Arrt sur image, du dimanche 28 novembre 1999, ˆ propos des mres dites meurtrires "d'envoyŽ spŽcial", et de la mort subite du nourrisson).

Le rŽsumŽ de cette Žmission prŽcise : "Arrt sur images revient sur cette affirmation grave qui risque de jeter la suspicion sur tous les parents dont les enfants ont ŽtŽ victimes de mort subite. L'Žmission confronte Žgalement les reporters aux pŽdiatres franais clairement mis en cause" qui dŽmentent ces amalgamesÉ En voyant cette Žmission, on se croirait revenu aux jours les plus sombres de l'AmŽrique et du commandement au sein du StratŽgic Air Command, entra”nant ses militaires ˆ souponner en permanence tout le monde et leur famille en particulier.

[2] En particulier par Pierre de Sermoise, dans Les missions secrtes de Jehanne la Pucelle. Robert Laffont, 1970.

[3] Ë titre indicatif, des thmes, non exhaustifs, concernant la physionomie de l'opinion ˆ propos du ch™mage, ont ŽtŽ extraits de quelques sondages publiŽs dans ces quinze dernires annŽes dans des journaux ou revues (Paris Match, Le Point, les ƒchos, Marianne, Le Figaro, etcÉ), ou disponibles chez les principaux organismes d'Žtude (Ipsos, Bva, Ifop, CredocÉ) ; ainsi que de l'Žtude sur "les attitudes des Franais sur le ch™mage", rŽalisŽe rŽgulirement depuis 1984, par la Dares et ŽditŽe par le Ministre de l'emploi et de la solidaritŽ. Il est ˆ noter que le citoyen, ˆ titre individuel, n'a pas nŽcessairement conscience du contenu prŽcis de ces sondages, censŽs reflŽter ses opinions.

[4] Par exemple : Famille et ch™mage - (Rapport du groupe prŽsidŽ par Jacques Commaille, Directeur de recherches au CNRS ; Haut Conseil de la Population et de la Famille) Juillet 1999 - Disponible au ministre de l'emploi et de la solidaritŽ.

[5] Quelques thmes non exhaustifs concernant la physionomie de l'opinion ˆ propos du ch™mage, qui apparaissent dans les sondages.

l'inquiŽtude face au ch™mage.

Elle appara”t en termes d'augmentation ou de diminution, d'ici quelque temps ou dans la dŽcennie ˆ venir ; ou bien en termes de peur d'tre personnellement touchŽ par le ch™mage ; ou de scepticisme quant ˆ l'efficacitŽ des mesures mises en Ïuvre par les pouvoirs publics, etcÉ Elle doit tre relativisŽe, car les facteurs influenant ce moral ne sont pas nŽcessairement objectifs, ni bien pris en compte.

Les causes du ch™mage sont recherchŽes ˆ tous les niveaux apparents :

-Plus ou moins mŽcanistes : comme le remplacement des hommes par les machines, la crise internationale, le dŽficit d'emplois, le manque de personnel compŽtent, l'insuffisance de la formation professionnelle, le systme ŽducatifÉ

-L'attitude des patrons : insuffisance d'utilisation des profits pour crŽer des emplois ; manque d'investissement dans des produits d'avenirÉ

-La politique et l'administration : imp™ts trop lourds, contr™les administratifs paralysants, complexitŽs administratives, manque de souplesse des procŽdures de licenciement, cotisations sociales trop lourdes, trop grande assistanat des ch™meursÉ                 

-Les syndicats : poussant ˆ l'augmentation des salairesÉ             

-Les salariŽs : rŽticents ˆ partager temps et revenuÉ

-Les ch™meurs : et leur trop grande exigenceÉ

les solutions au ch™mage.

Elles apparaissent souvent comme la batterie de "solutions Žconomiques miracles". On y trouve en vrac ces thmes, non exhaustifs : ma”trise de l'inflation, lutte contre les directives libŽrales de Bruxelles, relance de l'Žconomie par l'augmentation du pouvoir d'achat, abaissement des taux d'intŽrt, rŽduction des charges sociales des entreprises, aides spŽcifiques aux entreprises pour embaucher, suppression de l'imp™t sur les grandes fortunes, politique de grands travaux, interdiction des importations en provenance des pays ˆ bas salaires, empchement de dŽlocaliser, dŽveloppement des emplois (publics, associatifs, travaux d'intŽrt gŽnŽral, emplois de proximitŽ, aides mŽnagres, assistantes maternellesÉ), limitation de l'immigration, encouragement du retour des ŽmigrŽs dans leurs pays, principe d'embauche selon la prŽfŽrence nationale, limitation des importations de produits Žtrangers en France, avancement ou recul de l'‰ge de la retraite, suppression du smic, lutte contre le travail au noir en sanctionnant les employeurs, dŽveloppement du temps partiel, annualisation du temps de travail, rŽduction de la durŽe hebdomadaire du travail ˆ 35 heures, mesures internes aux entreprises Žvitant des licenciements (en jouant sur le salaire-temps de travail, les primes, le 13e mois, le travail les jours fŽriŽs, la diminution des vacances,É), suppression de l'autorisation administrative de licenciement, suppression de l'obligation pour petites entreprises d'avoir un comitŽ d'entreprise, aides en matire de formation, etcÉ

l'indemnisation du ch™mage & la solidaritŽ.

Modulation des indemnitŽs de ch™mage suivant les ressources globales du foyer, le nombre d'annŽes d'activitŽ, le montant du salaire ; ou au contraire identiques pour tous les ch™meurs.

En cas de difficultŽ du rŽgime d'assurance-ch™mage, les choix oscillent entre l'augmentation des imp™ts, des cotisations des employeurs et des salariŽs, ou Žventuellement la diminution du montant des indemnitŽs versŽes aux ch™meurs, par exemple. Mais le sens croissant de la solidaritŽ retient moins cette dernire, en apparence, tant qu'il ne s'agit pas trop de mettre soi-mme la main au porte-monnaie.

la confrontation personnelle avec le ch™mage.

- Impact sur la vie familiale. Il est difficile ˆ cerner, par manque d'information rŽgulire sur ce sujet, semble-t-il. Mais nous pouvons nous reporter ˆ tout ce qui a ŽtŽ dŽcrit dans les chapitres prŽcŽdents, pour comprendre, en particulier, les motivations qui sont en cause.

- CapacitŽ de revendication et de protestation (par des pŽtitions, un militantisme au sein d'une association de ch™meurs ou d'une organisation syndicale, des manifestations dans la rue ou dans des lieux publics, la grve des imp™ts, des grves de la faim, des actions violentes, É). Nous pouvons constater le p‰le reflet dans la rŽalitŽ !

- difficultŽ du vŽcu (argent, inactivitŽ, inutilitŽ, ennui, prŽcaritŽ, jugement des autres, isolement, É).

- Estimation des responsabilitŽs dans le ch™mage (gouvernements successifs, chefs d'entreprise, systme Žducatif, haute finance, organismes internationaux, Europe, syndicats, Anpe, salariŽs, É). Tous sont plus ou moins logŽs ˆ la mme enseigne.

- Acteurs ˆ l'Žcoute ou non des problmes des ch™meurs (associations, mouvements des ch™meurs, syndicats, patrons, gouvernement, administration, partis politiques, É). Il appara”t que l'indiffŽrence, la pitiŽ ou la dŽfiance, est globalement la tendance, du moins ˆ titre individuel.

- Sentiment de responsabilitŽ personnelle du fait d'tre ch™meur : il ne se sent pas coupable, contrairement ˆ ce que pensent bien des non-ch™meurs. ÉEtc. É (Sources en note 2)

 

[6] Le clivage est soit intrinsque aux questions posŽes, et l'introduit de ce fait dŽs le dŽpart. Ou bien il est rŽvŽlŽ dans l'expression des opinions partagŽes. Voir plus loin ˆ propos de : La formulation des questions.

[7] L'opinion n'a pas bien conscience nŽanmoins de sa propre responsabilitŽ. Dans d'autres domaines, comme le harclement mŽdiatique par exemple, un Franais sur trois semblerait nŽanmoins se rendre compte de sa responsabilitŽ lorsqu'il achte des revues exploitant les scandales, ou regarde des spectacles critiquables ˆ ce sujet.

[8] Rendues mme parfois interactives par divers procŽdŽs techniques, testŽes dans des pays anglo-saxons.

[9] Un exemple pris hors de notre pays illustrera rapidement ce point qui nŽcessiterait ˆ lui seul un volume. La majoritŽ s'inverse dans les deux formulations diffŽrentes d'une mme question : "Faut-il utiliser un excŽdent budgŽtaireÉ

A - Pour baisser les imp™ts ou pour financer de nouveaux programmes gouvernementaux ?" MajoritŽ des rŽponses : pour la baisse d'imp™t.

B - Pour baisser les imp™ts ou pour des programmes pour l'Žducation, l'environnement, la santŽ, la lutte contre le crime et la dŽfense militaire ?". MajoritŽ des rŽponses : pour les programmes dŽtaillŽs.

Entre payer moins d'imp™ts et payer pour de vagues dŽpenses, la rŽponse plus Žmotionnelle se fait dans le sens de l'intŽrt particulier. Alors que l'apparente rationalisation de ces dŽpenses, dans la seconde formulation de la question, crŽe une illusion de ma”trise des dŽpenses, et fait plus appel au sentiment civique ; d'o l'inversion de tendance. Dans ces deux questions, nŽanmoins, l'opinion tranche sur des actions gŽnŽrales, et non sur un dŽbat de fond concernant la pertinence des politiques.

(Chacune des questions a ŽtŽ posŽe ˆ 600 personnes, par le "Pew Research Center for the People and the Press". Sous rŽserve de validitŽ.)

[10] Canal Ipsos